Unedic : Les chômeurs boivent la tasse




Les nuages s’amoncelaient depuis quelque temps sur les chômeuses et les chômeurs, et les travailleurs dans leur ensemble, ceux et celles du moins qui risquent de se retrouver au chômage courant 2003. La négociation Unedic des 17 et 19 décembre a débouché sur une nouvelle convention dégradant l’assurance chômage !

S’appuyant sur un déficit conjoncturel de l’Unedic, le Medef et ses marchepieds syndicaux ont donc sabré dans les droits des chômeurs. Ils n’ont pas été jusqu’à adopter le plan proposé par la CFDT, qui proposait de baisser d’environ 9 % les indemnités chômage. Ils n’ont pas non plus acté un retour à la dégressivité des indemnités, un temps évoqué. Cependant, si la CFDT se félicite publiquement d’avoir signé un « bon accord » [1], ce n’est pas du point de vue des intérêts des travailleurs, mais du point de vue de la gestion de l’institution ! Pour commencer, l’Unedic fait le cadeau aux banques d’un emprunt de 2,9 milliards d’euros sur trois ans afin de couvrir le versement des indemnités. Ensuite, la plus grande partie des économies réalisées pour combler le déficit se fait sur le dos des chômeurs et des salariés, et ce de trois façons :

1- les droits d’accès à l’indemnisation sont restreints : il faudra désormais au minimum avoir travaillé 6 mois sur les 22 derniers mois (au lieu de 4 mois au cours des 18 derniers) pour avoir droit à une indemnisation sur une durée bien plus courte : la plus longue durée d’indemnisation est ramenée de 45 à 23 mois. Le tout devrait représenter une économie totale de 5,1 milliards d’euros sur trois ans.

2- la part des cotisations retraite à la charge des chômeurs passe de 1,2 % à 3 %, ce qui représente une baisse déguisée de l’indemnisation. Cela pour une économie de 1,4 milliard.

3- les cotisations sociales augmentent, atteignant un niveau jamais atteint : 2,4 % pour les salariés (+ 0,3 point), 4 % pour les patrons (+ 0,3 point). Ce qui représente un gain de 3,4 milliards sur les salariés et 3,4 milliards sur les patrons. Bilan des courses : on peut considérer que le « sauvetage » des comptes de l’Unedic est financé aux trois quarts par les travailleurs et les chômeurs (9,9 milliards au total) et pour un quart seulement (3,4 milliards) par les patrons. Quand on sait les profits fabuleux réalisés par les entreprises françaises, alors que les salaires et les minima sociaux stagnent depuis dix ans, c’est tout simplement écœurant.

Le paritarisme, un fléau

Pourquoi cette nouvelle régression ? Parce que le paritarisme est un système inique, qui bafoue constamment les droits des travailleurs. Comment imaginer que le patronat n’obtienne pas tout ce qu’il veut, quand face à lui, sur cinq organisations syndicales dites « représentatives », il y a quatre gugusses (CFDT, FO, CFTC et CGC) qui ne rêvent que de signer tout ce qu’on leur soumet ! Seule la CGT s’oppose sans résultat, dans les négociations, à ces magouilles… mais sans se donner les moyens de s’y opposer dans la rue. La manifestation conjointe des intermittents de la CGT-Spectacle, de la CGT-Chômeurs, d’AC !, du MNCP et de l’Apeis le 17 décembre devant le siège du Medef était bien insuffisante pour inverser la tendance [2]. Pourtant la seule possibilité de déjouer ces manœuvres se trouve dans l’action directe, par la lutte, dans la rue, les occupations d’Assedic, d’ANPE, par la solidarité interprofessionnelle… même s’il n’est pas facile de convaincre les salariés en CDI que, demain, c’est eux qui se retrouveront avec des indemnités chômage ridicules !

Et encore la « fiscalisation »…

Autre préoccupation, la situation des chômeurs de 50-60 ans. Le nouvel accord Unedic raccourcit leur durée d’indemnisation, et ils ne sont plus assurés d’être indemnisés jusqu’à la retraite. Aujourd’hui, les organisations gestionnaires semblent en avoir assez d’indemniser les travailleurs âgés privés d’emploi, considérant qu’ils ne leur sont plus utiles.

L’ambition du Medef, comme ailleurs, est donc de transférer sur l’État et les finances publiques - par le biais de l’Allocation solidarité spécifique par exemple - l’obligation d’assurer un revenu aux chômeurs âgés, aujourd’hui indemnisés à 95 % par l’Unedic. En quittant la logique de « l’assurance chômage » et de « l’indemnisation » due au préjudice subi, on rentre dans celle de « l’assistance publique » et des « allocations » octroyées par bonté. C’est une logique qui exonère le patronat de ses responsabilités, culpabilise les chômeurs et - en substituant les finances publiques à la cotisation sociale - favorise davantage les employeurs dans la répartition des richesses produites.

Redistribuer les richesses

Les signataires ont de nouveau inclus dans la convention le pouvoir, pour les Assedic, de suspendre les indemnités des chômeurs récalcitrants, ceux qui ne prouvent pas qu’ils recherchent un emploi ! Le seul espoir des chômeurs réside dans une salutaire explosion sociale qui mettra Medef, CFDT et consorts dans leurs petits souliers. C’est une question cruciale pour les conditions de vie des travailleurs privés d’emploi : aujourd’hui, seulement la moitié est indemnisée, avec un niveau moyen de 878 euros par mois ; l’autre moitié est tributaire des « allocations » type RMI, ASS (Allocation spécifique de solidarité), etc.

Mais c’est plus généralement un problème de répartition des richesses dans la société : la part des richesses créées accaparées par les capitalistes ne cesse de croître, tandis qu’on mégotte sur les salaires, les revenus des retraités ou ceux des chômeurs ! La dignité n’est pas négociable !

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

[1L’accord a été signé par la CFDT, la CGC, la CFTC. La CGT a refusé de signer, et FO, visiblement déroutée par son échec aux prud’homales, a dans un premier temps « réservé sa signature ».

[2C’est en effet au siège du Medef que se négocient les conventions Unedic, et non pas au siège de l’Unedic. Cet état de fait ne choque personne à part la CGT… Et que ce soit le Medef qui décide des jours et des horaires de négociation - la nuit - et qui préside lui-même les séances ne semble pas déranger le président en titre de l’Unedic, Michel Jalmain, de la CFDT !

 
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