Nucléaire : À quand un Fukushima français ?




Les organismes étatiques « indépendants » de la sureté nucléaire nous disent qu’un accident majeur est impossible en France. Pourtant, organismes de contrôle, filière nucléaire, Etat, tout est dirigé par les mêmes hommes, la même classe sociale, et défendant ensemble leurs intérêts. Faut-il les croire ?

Les accidents nucléaires, et parmi eux les accidents majeurs, ont soit une origine externe à la centrale, soit sont consécutifs à une défaillance du matériel ou une erreur humaine. On peut les classer en 4 grandes catégories :
 L’accident industriel (incendie, foudre, tremblement de terre, tsunami…). Les protections radiologiques sont calculées pour résister à des accidents jugés « dimensionnant ». Cela ne suffit pas toujours. Exemple : l’explosion chimique du complexe nucléaire Mayak, à Kyshtym (URSS), l’incendie de Windscale (Grande-Bretagne), le séisme à Fukushima.
 Une agression externe (chute d’avion, guerre, tir de charge creuse…) pouvant conduire à un endommagement grave du réacteur ou des barrières biologiques.
 Une fusion du cœur d’un réacteur – souvent lié à un problème de refroidissement – comme pour l’accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island, pouvant aboutir à la destruction du cœur et à des rejets radioactifs massifs dans l’environnement.
 Un début de réaction nucléaire en chaîne pouvant, comme à Tchernobyl, provoquer une explosion d’origine chimique. Le cœur du réacteur peut être endommagé au point de donner lieu à un relâchement important de matières radioactives.

Soixante ans d’accidents

Soixante ans d’expériences montre, non seulement que des accidents, y compris graves ou majeurs, se produisent régulièrement, mais encore que le rythme des accidents ne baisse pas avec l’accumulation de l’expérience… Pour preuve, citons ici les principaux accidents, notables soit par leurs conséquences, soit parce que l’accident majeur a été évité de justesse et « par chance » :
 En 1952, au Canada, dans le réacteur de Chalk River, une perte d’eau de refroidissement provoque des explosions en série et produit des fuites de gaz et de 4 000 mètres cubes d’eau radioactive. Le cœur du réacteur est totalement anéanti.
 En 1957, une puissante explosion se produit dans un centre de stockage de déchets radioactifs du complexe nucléaire Mayak, à Kyshtym (URSS) et rejette dans l’environnement environ la moitié des quantités rejetées à Tchernobyl. Une zone interdite de 250 kilomètres carré a été instituée.
 Du 7 au 12 octobre 1957, le cœur en graphite du réacteur Windscale (Grande-Bretagne) s’enflamme. Des produits de fission, essentiellement de l’iode 131, sont rejetés à l’extérieur. En 1983 dans le village de Seascale, près de la centrale, le taux d’enfants atteints de cancer était dix fois plus élevé que la moyenne nationale.
 Le 17 octobre 1969, en France, dans la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, un accident entraîne la fusion de 5 éléments combustibles dans le réacteur A1. Bien qu’il s’agisse de l’un des plus graves accidents survenus en France, la population n’est pas prévenue.
 Le 22 février 1977, le réacteur de la centrale nucléaire de Bohunice en Slovaquie a un accident pendant le rechargement. Le combustible nucléaire a été installé avec un sachet déshydratant. Des surchauffes produisent de graves dommages. En 1978, cette unité est fermée.
 Le 28 mars 1979, dans la centrale nucléaire de Three Mile Island, en Pennsylvanie, se produit une panne des pompes d’alimentation en eau du circuit secondaire de l’un des réacteurs. Un enchaînement de défaillances mécaniques et d’erreurs humaines entraîne la fusion du cœur.
 Le 13 mars 1980, en France, dans la centrale de Saint-Laurent, un accident conduit à la fusion de deux éléments combustibles du réacteur de 515 mégawatts, à la suite de phénomènes de corrosion, qui provoquent l’obstruction d’une douzaine de canaux du bloc de graphite.
 Le 26 avril 1986, à Tchernobyl, en Ukraine, une série d’erreurs humaines entraîne la fusion du cœur du réacteur, puis une explosion provoquant la libération de grandes quantités de radio isotopes dans l’atmosphère. Les autorités évacuent environ 250 000 personnes de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine. Plusieurs centaines de milliers d’ouvriers et de militaires – environ 600 000 – ont été gravement irradiés.
 Le 19 octobre 1989, un incendie se déclare dans la salle des turbines de la centrale nucléaire de Vandellos en Espagne, provoquant indirectement une inondation et endommageant différents systèmes, notamment la réfrigération du réacteur.
 Le 27 décembre 1999, lors de la tempête qui frappe alors la France, les parties basses des tranches 1 et 2, et dans une moindre mesure les tranches 3 et 4 de la centrale nucléaire du Blayais en Gironde sont inondées, forçant l’arrêt de trois de ses quatre réacteurs.
 Le 25 juillet 2006, en Suède, une défaillance d’un système de secours de la centrale de Forsmark est détectée. « C’est le hasard qui a évité qu’une fusion du cœur ne se produise », affirme Lars-Olov Höglund, responsable du département de construction dans l’entreprise Suédoise Wattenfall.
 Le 12 mars 2011, ont lieu les accidents nucléaires de Fukushima au Japon. Suite à un séisme, la perte totale des alimentations électriques et du refroidissement des réacteurs nucléaires provoque d’importants dégâts au niveau de la tuyauterie, entraînant une pollution radioactive majeure de l’environnement [1].
 Le 8 juin 2011, la centrale nucléaire de Fort Calhoun, dans l’État du Nebraska est encerclée par les eaux d’un Missouri en crue. La centrale a momentanément perdu le système de refroidissement qui sécurise les piscines de combustible.

Que déduisent les responsables officiels de la sécurité nucléaire de ce bilan ? Pour un réacteur nucléaire à eau pressurisée (REP) tels ceux exploités en Europe de l’Ouest, ils affirment par exemple que le risque de fusion du cœur - risque « interne » principal - est estimé à 5.10-5 par centrale et par an [2], soit une fois tous les 20 000 ans pour chaque réacteur. Ce calcul officiel « démontre » que la probabilité d’un seul accident nucléaire majeur sur la planète serait faible. Mais les faits sont têtus : 4 centrales ont déjà été affectées par un accident majeur… Le calcul est donc faux !

Un calcul de probabilité, basé sur les 4 accidents nucléaires majeurs recensés au sein des 450 réacteurs de la planète, donne une probabilité de 41 % de survenue d’un accident nucléaire majeur au cours des trente prochaines années parmi les 58 centrales françaises [3]. Dans un pays nucléarisé comme la France, la question n’est donc pas vraiment de savoir si un accident majeur peut ou non se produire. La question est bien plus de savoir quand il se produira…

Commission écologie d’AL

[1Voir article p. 2

[2Commission AMPERE, 2000, Rapport final, SPF Économie, Bruxelles, 2000, page E-96

[3Étienne Ghys, « Accident nucléaire : une certitude statistique », Libération, 5 juin 2011

 
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