Antipatriarcat

Aides à domicile : Retour du « salaire féminin » ?




Dès octobre, les salaires de 260 000 aides à domicile vont être bouleversés par un avenant à leur convention collective. Alors que nous fêtons les 75 ans de la mobilisation victorieuse contre la légalité du salaire féminin 1, il semble bien que l’avenant en question le réintroduise. Les aides à domicile font partie des 10 métiers réunissant la moitié des travailleuses et la majorité des bas salaires.

  • Salaire féminin [1]

Signé par la CFDT, la CGT et FO et les syndicats d’employeurs, l’avenant n°43 à la convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile s’appliquera au 1er octobre. Il remplace en totalité la partie relative à la classification des emplois et aux salaires qui y sont attachés.

Chaque salariée se voit attribuer un coefficient, c’est-à-dire un nombre de points. Le salaire de base restera calculé par le principe suivant  : on multiplie le coefficient par la valeur du point et par la quotité de temps de travail . Si les coefficients changent et permettent des hausses de salaires, ce qui nous intéresse ici c’est la modification de la valorisation des diplômes, introduite par cet avenant.

Désormais, la salariée qui obtient un diplôme reconnu par la convention collective, verra s’ajouter à son salaire de base un complément sous forme de points. Ainsi, avec les diplômes d’Auxiliaire de vie sociale ou d’Assistante de vie aux familles, elle aura 11 points en plus. Le complément de salaire sera alors de 11 points multiplié par la valeur du point (5,50 euros à ce jour) et… par la quotité de temps de travail (100 %, 80 %, etc.) ! Ce qui pénalise les salariées à temps partiel. Les aides à domicile, qui constituent la grande majorité des salariées de cette branche, sont à 97 % des femmes, pour qui leur temps de travail est largement à temps partiel imposé. La convention collective permet, sans que leur accord soit nécessaire, de les embaucher jusqu’à seulement soixante-dix heures par mois.

L’avenant 43 revient donc à dévaloriser la reconnaissance monétaire de leur diplôme, et donc leur salaire brut, par le temps partiel imposé. Au contraire de l’encadrement qui, lui, est bien plus majoritairement masculin et jamais dans cette situation. Sous couvert d’une mesure à priori neutre, celle-ci défavorise en réalité les femmes par rapport aux hommes pour la reconnaissance monétaire du diplôme, car ce sont elles qui sont quasi exclusivement à temps partiel imposé. Les fédérations syndicales ont-elles manqué de vigilance ?

Le moment semble propice

Car il s’agit bien ici d’un « abattement féminin » imposé aux salaires des aides à domicile diplômées à temps partiel imposé. Cela revient à dire que les savoirs acquis avec le diplôme ne seraient mis en œuvre que partiellement par les salariées à temps partiel…

Le moment semble propice à la lutte  : les salariées de l’aide à domicile commencent à être reclassées conformément à l’avenant 43, leur salaire de base est en jeu. Les premiers conflits locaux ont déjà émergé là où les employeurs tentent de mettre en place des reclassements au rabais.

Ces conflits doivent pouvoir trouver la voie pour se coordonner au niveau national, et alors s’élargir à la question de la suppression de l’abattement «  temps partiel  ». Une bonne occasion pour lier combat féministe et combat syndical. À l’heure où la prise de conscience d’une action résolue et de long terme pour la syndicalisation des secteurs féminisés semble émerger.

Louise (UCL Saint-Denis) et Michel (UCL Vosges)

[1En juillet 1946, la CGT obtient l’abrogation de la possibilité légale du « salaire féminin ». Celui-ci permettait d’appliquer un abattement de salaire, jusqu’à 10 %, à une salariée par rapport à son collègue homme, pour le même poste et la même ancienneté.

 
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