Antiracisme : On a marché pour l’égalité et contre l’islamophobie




Le 10 novembre dernier, la manifestation contre l’islamophobie a rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Paris. Un véritable succès et peut-être un tournant majeur dans la construction d’une riposte antiraciste populaire. L’Union communiste libertaire y a pris toute sa place.

En octobre dernier, c’est du plus haut sommet de l’État qu’est lancée l’offensive islamophobe. Un ministre estime publiquement que le voile n’est pas «  compatible  » avec la République. Un président de la République appelle à instaurer une «  société de vigilance  » pour traquer les «  signaux faibles  » de «  radicalisation  », désignant pour cibles toutes les personnes musulmanes ou considérées comme telles, délivrant un véritable permis de discriminer. Pendant ce temps-là, Zemmour sème la haine sur CNews. Et il y a des actes. Graves. Une mère d’élève voilée accompagnant son enfant en sortie scolaire prise à partie et menacée publiquement en pleine séance du Conseil régional de Bourgogne par les élus Rassemblement national. Un attentat contre une mosquée à Bayonne par un militant d’extrême droite.
Dès le 15 octobre  [1], l’UCL appelait à réagir fortement et unitairement pour riposter à cette offensive islamophobe et son cortège de violences, d’agressions, de stigmatisations quotidiennes. Plusieurs groupes prenaient des initiatives locales en ce sens. Le 19 octobre, l’UCL prenait la parole place de la République lors d’un premier rassemblement appelé dans l’urgence par le Collectif de défense des jeunes du Mantois.

Riposter, vite et fort

Mais c’est la veille, lors d’une réunion organisée à la mairie de Saint-Denis, que la dynamique qui allait aboutir à la Marche du 10 novembre se met en place. Ce soir-là des «  personnalités  » sont autour de la table, dont Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis ou Taha Bouhafs, journaliste. Mais aussi des organisations  : le CCIF, LES Musulmans, le Comité Adama, EELV, le FUIQP, le NPA, l’Unef, l’UNL… et bien sûr l’UCL. Tout le monde ne se connaît pas et n’a pas forcément l’habitude de travailler ensemble. Mais toutes et tous conviennent qu’il faut prendre une initiative forte et unitaire, même si les contours n’en sont pas encore définis à ce moment.

Fred Sochard

Il faudra attendre une seconde réunion, la semaine suivante, pour qu’il soit décidé de se lancer dans l’organisation d’une grande marche contre l’islamophobie le 10 novembre. Un texte d’appel est rédigé en urgence et soumis à signature, chacune et chacun mobilise ses réseaux. La gravité de l’attentat contre la mosquée de Bayonne le 28 octobre accélère le processus.
L’initiative devient alors un point de ralliement pour toutes les forces progressistes  : Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, transmet sa signature, de même que la FSU et Solidaires, mais aussi l’ensemble du groupe parlementaire de la France insoumise. À ce moment, nous sommes nombreuses et nombreux à comprendre parmi les initiateurs et initiatrices qu’un tournant est pris  : le combat contre l’islamophobie peut enfin devenir un enjeu d’égalité largement partagé.

L’appel est publié le 1er novembre sur le site internet de Libération, avec une liste de 50 premières et premiers signataires. Le 3 novembre il est republié sur Mediapart, cette fois appuyé par 400 signataires. Dans la plupart des médias, la Marche est vivement commentée et c’est d’abord le ralliement de la quasi-totalité du spectre de gauche qui frappe les esprits. Dès lors, une campagne de dénigrement se met en place, alimentée tant par la fachosphère que par l’officine réactionnaire du Printemps républicain. L’ensemble des soutiens de la Marche est assimilé à des «  alliés objectifs  » des «  intégristes  ». Jamais la parole n’est donnée aux organisateurs dans cette séquence.

Par-delà les polémiques

Les propos d’une poignée de signataires, parfois datant de plusieurs années, sont ressortis. Malgré le fait que leurs auteurs aient parfois changé de discours depuis. Mais il faut le dire clairement  : certains de ces propos, sexistes et homophobes, sont inacceptables. Et tous les combats de l’UCL, particulièrement notre engagement contre la domination patriarcale, indiquent clairement que nous ne pouvons y être associés.

Pour autant les propos de quelques signataires et leur instrumentalisation ne pouvaient pas entacher une initiative tout autant salutaire que nécessaire. Pour l’UCL, il n’était alors pas question de faire un pas en arrière ou un pas de côté, et notre organisation a pleinement assumé son engagement dans cette marche.

La réalité de cette initiative nous a donné raison  : il s’agissait bel et bien d’une marche antiraciste, populaire, historique. Une marche qui a rassemblé et où la dignité des premières et premiers concerné.es s’est exprimée avec éclat.

Notre lutte contre l’islamophobie s’inscrit pleinement dans notre volonté de briser la mécanique raciste. Comme nous l’avons dit lors de notre intervention place de la Nation, à l’arrivée de la Marche  [2]  : «  l’islamophobie n’est pas là par hasard, elle a une histoire. C’est une islamophobie qui vient de loin, du racisme colonial et son cortège de meurtres, de pillages, de massacres. Elle a une réalité matérielle, concrète pour les musulmanes et musulmans de ce pays  : ce sont des stigmatisations, des discriminations, des violences, des brutalités quotidiennes. C’est cette réalité du racisme et de l’islamophobie que nous ne pouvons pas tolérer. Notre responsabilité, la responsabilité du camp de l’égalité est engagée aujourd’hui. Elle nous oblige.  »

Tout l’enjeu est maintenant de transformer l’essai, de faire de cette Marche du 10 novembre un événement fondateur. Et pour cela d’arriver à élargir encore la mobilisation, d’arriver à l’ancrer sur le terrain, dans les villes, les quartiers, mais aussi dans les entreprises et les services. Il faut saluer en ce sens les prises de positions d’organisations syndicales comme la CGT, la FSU et l’Union syndicale Solidaires. Par leur maillage territorial, par le contre-pouvoir qu’elles représentent concrètement face à l’État, parce qu’elles sont des outils de solidarité concrète, leur engagement dans la durée contre l’islamophobie peut s’avérer déterminant.

D’autres initiatives seront prises dans les prochains mois  : aux côtés de celles et ceux qui luttent pour l’égalité, il nous appartient d’en être.

Théo Roumier (UCL Orléans)

[1«  Brisons l’offensive islamophobe, réagissons ensemble  », communiqué de l’UCL du 15 octobre.

[2«  “Oui nous sommes athées, et alors ?” L’UCL contre l’islamophobie », sur le site de l’UCL.

 
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