Hamas : Un fascisme religieux




Dans le précédent numéro d’AL, nous avons publié un article sur la victoire du Hamas aux élections palestiniennes. Nous publions ici la réponse critique que nous a adressée un lecteur, assortie d’une mise au point de notre camarade Jacques Dubart, auteur de l’article en débat.

La victoire du Hamas était certes prévisible, au vu de la situation dépeinte dans l’article. Mais ce serait une erreur d’affirmer, comme le fait l’auteur de l’article, que « le Hamas a toujours nié, jusqu’à présent, vouloir imposer sa moralité et les valeurs islamiques à l’ensemble de la société ». L’histoire même du Hamas montre le contraire. Ce mouvement est né sous l’impulsion des Frères musulmans en 1987. Le Mouvement de la résistance islamique est l’une des ailes des Frères musulmans en Palestine comme il le dit lui-même.

L’organisation des Frères date de 1920, créé en Egypte par Hassan El-Banna, notable considéré comme martyr. On en connaît la volonté d’hégémonie religieuse. Leur vision orientée et réactionnaire du Coran, vision qui tient lieu de programme politique, règne en Egypte et au Soudan.

La popularité des Frères tient au fait, comme le dit l’article, qu’ils ont fait le travail de proximité que les gouvernements en place n’ont pas accompli : ils ont créé des écoles (religieuses), offert des aides financières aux familles, s’assurant ainsi un soutien d’une partie de la population. Même les Palestiniens qui contestent l’intégrisme ont soutenu cette politique de proximité du Hamas. Mais ne nous y trompons donc pas, le but de ce parti est de se donner toute latitude pour instaurer des pouvoirs théocratiques basés sur la charia et rejetant violemment les « peuples du livre » (Chrétiens et Juifs).

Le Hamas ne renie rien des idées des Frères musulmans. Contrairement à ce que dit l’article d’Alternative libertaire, le Hamas n’a jamais nié vouloir imposer sa moralité et les valeurs islamiques à l’ensemble de la société.

La charte du Hamas l’explique clairement, d’abord dans l’article 2 :

 Le Hamas se caractérise par « une adoption complète de tous les concepts de l’islam dans la vie : culture, croyance, politique, économie, éducation, société, justice, jugement, éducation, art, information, science occulte, conversion à l’islam, et diffusion de l’islam ».
 Puis dans l’article 6 : « Le Mouvement de la résistance Islamique est un mouvement palestinien honorable qui fait allégeance à Allah et à sa voie, l’islam. Il lutte pour hisser la bannière de l’islam sur chaque pouce de la Palestine, car sous l’aile de l’Islam, les croyants de toutes les religions peuvent coexister en toute sécurité pour leurs vies, leurs biens et leurs droits. En l’absence de l’islam, les conflits séviront, l’oppression s’étendra, le mal persistera, le schisme et les guerres éclateront. »

Cette mise au point nous rappelle que d’après le Hamas, tous les préceptes de l’Islam « au temps de la naissance de l’Islam » doivent régner partout, non seulement sur toute la Palestine (aucune idée de démocratie ici, donc), mais partout où les deux grands monothéismes existent, sous peine de guerre. Le mouvement fait d’ailleurs une référence textuelle à Mohamed Iqbal, un fondateur du nationalisme pakistanais : « Si la foi est perdue, la sécurité disparaît et il n’y a plus de vie pour celui qui n’adhère pas à la religion ; celui qui accepte la vie sans religion a pris l’anéantissement comme compagnon ».

Cette volonté d’hégémonie est d’ordre social et religieux. Si le gouvernement israélien instaure surtout une discrimination et beaucoup d’insécurité sociale, dans ce pays et dans les territoires occupés, il ne faut pas se cacher pour autant que le régime prôné par le Hamas est un régime fasciste. Un fascisme religieux, qui devra tenir le peuple dans une ignorance et une dépendance suffisantes pour le convaincre de suivre la thèse du « grand Jihad » (instauration de l’Islam par les armes). L’article 11 de la charte met en garde : « Toute procédure en contradiction avec la Charia islamique en ce qui concerne la Palestine est nulle et non avenue. »
Il est bon de lire les textes fondateurs des mouvements palestiniens pour s’en faire une idée ; tout comme il est profitable de savoir ce que disent certains théoriciens de la lutte pour le peuple palestinien ; non pas ce qu’ils disent aux occidentaux, mais à l’adresse de la « nation musulmane », c’est-à-dire à la quasi-totalité du monde arabe.

Sans cette connaissance, le soutien au peuple palestinien est un mouvement faussé, où les vrais enjeux sont autres que ceux que l’on souhaite défendre.

Du côté d’Israël

Dans ce contexte, le gouvernement israélien souhaite supprimer le Hamas, en lui coupant ses moyens de fonctionner. Mais il est en train de commettre une nouvelle erreur : ce gouvernement part du principe qu’un pouvoir qui ne reconnaît pas Israël ne peut pas avoir sa place comme autorité (et il vrai que si l’on peut contester la légitimité d’Israël, on est bien obligé de le reconnaître puisque cet État existe, de fait : de même que nous sommes bien obligés de reconnaître la Russie de Poutine sans forcément le croire légitime).

Israël décide donc de ne pas redistribuer les capitaux constitués par les impôts des Palestiniens. Erreur : ce n’est pas le Hamas qui sera le plus touché (cette organisation restera financée par certains pays et organisations) mais les Palestiniens eux-mêmes, qui, dans cette situation, vont sans doute faire véritablement bloc autour du Hamas.

Ce parti islamiste ainsi exclu, non reconnu en tant que parti démocratiquement élu, aura l’occasion de faire valoir son martyre, d’afficher son empathie envers le peuple palestinien et sa colère contre le « plan sioniste ». Le Hamas avivera le sentiment partagé par une partie des Arabes de Palestine que tous les maux viennent des Juifs et des mécréants.

Jan Feigenbaum

 
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