écologie

Numérique : Le virtuel, une pollution réelle




Il y a quelques années, on pouvait penser que la « dématérialisation » des données pouvait être un progrès pour l’environnement. Depuis, on déchante : l’informatique, Internet et le numérique sont écologiquement nuisibles, et c’est de pire en pire.

Avec l’avènement du numérique, on avait pu imaginer la possibilité de ralentir la déforestation grâce aux économies de papier, réduire les déplacements au moyen des vidéoconférences et du télétravail, le tout sans impact environnemental. Bref, l’informatique et Internet allaient venir au secours de la planète. Mais c’était un excès d’optimisme. En effet, sous son aspect dématérialisé, le numérique est lui aussi ancré dans un arsenal matériel très polluant et en constant développement.
Quelques chiffres permettent de saisir l’augmentation de l’usage des nouvelles technologies ; ainsi aujourd’hui seuls 3 milliards de personnes (40 % de la population) utilisent Internet, via 2 milliards de mobiles et 1 milliard d’ordinateurs. Ces terminaux d’accès ne représentent qu’une partie du matériel nécessaire à l’usage d’Internet.

Effectivement au bout des câbles on trouve pas moins de 45 millions de serveurs tournant à plein temps et 800 millions d’équipements réseaux. Internet est ainsi au coude à coude avec le trafic aérien quant aux émissions de gaz à effet de serre. En 2035 on devrait compter 9 milliards d’utilisateurs ; la quantité de matériel nécessaire serait colossale. Et les dégâts sur l’environnement irréversibles.

Pollution à tous les étages

On peut constater la pollution liée au numérique durant toutes les phases du cycle de vie des produits. Lors de la fabrication, le principal facteur impactant l’environnement est l’extraction des ressources nécessaires au fonctionnement du matériel électronique. L’extraction du silicium nécessite de grandes quantités d’eau. L’eau est également polluée près des mines par les phtalates et les métaux lourds.

deux titants mécaniques des mines
cc Gord McKenna

La phase d’utilisation des produits est un poste important de dépense d’énergie. L’alimentation en électricité des centres de données (lieux de stockage des serveurs) représente 1,1 à 1,5 % de la consommation mondiale. Les terminaux clients (ordinateurs, téléphones, télévisions, montres connectées, etc.) sont également très gourmands en énergie. De nouveau l’effet rebond joue à plein : plus les batteries sont puissantes, plus les appareils sont voraces.

Mais c’est l’utilisation de la bande passante qui est le premier consommateur d’énergie (et évidemment, plus le débit s’améliore, plus la taille des documents augmente). L’utilisation de papier atteint des sommets, elle qu’on imaginait disparaître grâce à la lecture à l’écran et aux démarches en ligne. En moyenne, les salarié-e-s français effectueraient vingt-huit impressions par jour. Notons cependant que l’Ademe a calculé qu’imprimer un document de 200 pages impacte moins l’environnement que de le lire à l’écran (de quoi déculpabiliser plus d’un militant d’imprimer le manifeste pour une alternative libertaire).

démontage à Guiyu - Chine
cette activité occupe près de 100.000 travailleurs migrants dans la région de la rivière Lianjiang.
cc baselactionnetwork

La fin de vie d’un produit n’est pas plus reluisante : seuls 15 % des 42 milliards de kilos annuels de déchets électroniques sont collectés et recyclés par les filières officielles. La majorité sont traités en dehors de toute légalité, et on l’imagine aisément, sans la moindre attention aux impacts environnementaux (ces déchets contiennent du mercure, du cadmium, du chrome et d’autres substances très néfastes pour la santé et les écosystèmes). Outre l’obsolescence programmée (limitation de la durée de vie des appareils par des pannes aléatoires), ce sont les évolutions technologiques qui empêchent l’augmentation de la durée de vie des appareils : difficile de surfer aujourd’hui avec un appareil datant d’il y a quinze ans, même en parfait état de marche.

Marotte des « petits gestes »

Pour autant, les acteurs économiques et les autorités prennent conscience de l’impossibilité de continuer à tenir le discours du zéro-impact. On ressort ainsi la marotte des « petits gestes ». Vous savez, ceux que chacun devrait faire pour sauver la planète : outre l’extinction systématique des appareils, on nous invite à éviter les images trop lourdes dans les emails, à supprimer ceux dont on n’a pas besoin, à imprimer en noir et blanc, etc. Si ces gestes sont évidemment appelés à devenir des habitudes, n’oublions pas qu’un tiers seulement de la consommation électrique vient des terminaux clients. De plus la moitié de l’émission de gaz à effet de serre provient de la fabrication du matériel.

Obsolescence programmée

Donc d’autres pistes doivent être étudiées pour réduire l’empreinte écologique du numérique. La lutte contre l’obsolescence programmée est engagée. Effectivement la loi sur la transition énergétique prévoit une peine de deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende pour les entreprises concernées. L’obsolescence ne serait pas limitée aux pannes, mais engloberait également l’aspect fonctionnel (mises à jour logicielles qui rendent caduques l’usage d’un appareil). La portée de la loi est cependant amoindrie par le fait qu’aucun minimum de durée de vie du produit n’est défini.


un documentaire pour tout savoir sur l’obsolescence programmée !


On peut également imaginer la mise en place de dispositions permettant un remplacement facile de tous les composants d’un produit électronique.

La conception des logiciels et sites Internet doit aussi être révisée dans le sens d’un contrôle des ressources consommées. Les choix technologiques et fonctionnels doivent être guidés en priorité par la sobriété apportée au logiciel. Mais la logique commerciale dicte une tout autre voie : le tout « cloud » (stockage des informations et applications sur des serveurs) est très consommateur de bande passante, et doublonne bien souvent les quantités stockées (l’email est à la fois sur le serveur et sur l’appareil de l’utilisateur). En outre, on pourrait imaginer des quotas de stockage à ne pas dépasser, tant au niveau des données personnelles (emails, images), que de la consommation de bande passante.

Car la réflexion ne doit pas seulement porter sur la technique. L’usage doit aussi être questionné. Ainsi, sans jouer les père-la-morale, le fait que le tiers de la bande passante utilisée concerne des sites pornographiques pose question. De même 25 % des recherches porte sur une thématique ayant trait à la pornographie. La profusion d’information, parfois de qualité, la possibilité d’échanger facilement, de s’organiser et même de lutter, ne doit pas faire oublier que l’usage principal d’Internet, c’est l’activité commerciale : sites de présentation, e-commerce, publicité... Enfin au delà même des impacts environnementaux, il faudrait faire l’état des lieux de l’apport d’Internet pour la société : aspect social, sociétal, problématiques de santé. Peut-on se permettre Internet (la question est réellement ouverte) ?

Éric (AL Auvergne)


pour aller plus loin :

Sources :

 
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