Retraites : Hold-up : le mode opératoire de l’Etat




C’est reparti comme en 2003 ! Le gouvernement remet le couvert pour une nouvelle contre-réforme des retraites. Cette fois, le gouvernement entend attaquer d’un seul coup l’ensemble des salarié-e-s. A nous de faire en sorte qu’il s’en morde les doigts.

Comme toujours, c’est la même complainte affligée de la part du gouvernement : certes, nous réformons les retraites, mais nous ne le faisons que pour « sauver les retraites par répartition » face à « l’allongement de la durée de vie ».

Cependant, après la crise de 2008 qui a menacé de faire partir en fumée toute la finance mondiale, il est difficile de vanter les bienfaits de la bourse. L’État ne va donc pas attaquer bille en tête le régime par répartition en introduisant franchement et massivement la capitalisation des cotisations retraite !

La stratégie est donc plus subtile : faire en sorte que les retraites des travailleurs et des travailleuses s’amenuisent à tel point

  1. que les salarié-e-s qui en ont les moyens soient contraints d’épargner dans des fonds de retraite complémentaire placés sur les marchés financiers ;
  2. que les salarié-e-s qui n’en ont pas les moyens doivent prolonger leur carrière de quelques années et, si possible jusqu’à ce que mort s’ensuive afin que le coût de leur pension soit réduit à... rien (ce qui n’est pas impossible puisque l’allongement de la durée du travail aura pour effet la diminution de l’espérance de vie, notamment dans les métiers pénibles qui sont bien souvent aussi ceux à revenus modestes) ;
  3. que les capitalistes n’aient pas à cotiser davantage pour équilibrer le système par répartition.

Voyons comment cela va se passer.

Puisque les mesures franches de destruction de la retraite par répartition semblent, pour le moment, avoir été rangées aux oubliettes – seule la CFDT, dans sa volonté d’être plus à droite que le gouvernement, s’accroche à la retraite par points –, le gouvernement optera vraisemblablement pour un nouvel allongement de la durée de cotisation et/ou un recul de l’âge de départ à la retraite à 61 ou 62 ans.

Pourquoi 42 annuités ?

L’allongement de la durée de cotisation revient à reculer l’âge effectif de départ à la retraite dans la mesure où, dans une société où les jeunes arrivent de plus en plus tard sur le marché du travail (22 ans en moyenne), 42 ans de cotisations, cela veut dire un départ à taux plein à 64 ans. Autant dire que la ou le travailleur, épuisé par tant d’années d’exploitation, préfèrera sans doute encore une retraite de misère que de s’achever à la tâche.

Les plus nanti-e-s épargneront et pourront s’octroyer une retraite à peu près confortable, parce qu’ils auront cotisé à une complémentaire – si toutefois un krach boursier n’a pas anéanti leur tirelire auparavant.

Les moins nanti-e-s devront continuer à travailler.

Pourquoi 62 ans ?

Le recul de l’âge de départ à 61 ou 62 ans serait une attaque contre un verrou lourd de symbole (la retraite à 60 ans), et a donc moins de chance d’être retenu par le gouvernement. La retraite à 62 ans, cela signifie tout simplement qu’avant cet âge, les salarié-e-s ne pourraient pas faire valoir leur droit à la retraite, ou que la pension leur serait attribuée avec une décote substantielle. Or, déjà aujourd’hui, même avec la retraite à 60 ans, la plupart des salarié-e-s quittent le marché du travail avant cet âge (à 58 ans en moyenne), et finissent leur vie active au chômage, voire en maladie ou en invalidité. Aujourd’hui, 40 % des salarié-e-s ne sont déjà plus en activité au moment de faire valoir leurs droits à la retraite. Il n’est pas difficile d’imaginer que ce pourcentage augmenterait considérablement si l’âge légal de départ était reculé.

Faire payer les travailleurs

Quelle que soit l’option retenue, les salarié-e-s devront soit finir leurs jours avec une retraite de misère, soit continuer à perdre leur vie à la gagner jusqu’à pas d’âge... Voilà une belle application du slogan sarkozyste : travailler plus (en fait jusqu’à épuisement) pour gagner plus (en fait le minimum vital)...

Dans le système capitaliste, les travailleurs et les travailleuses ne valent que tant qu’ils peuvent rapporter de l’argent. Mais au-delà d’un certain âge et d’un certain état de fatigue, ils ne sont, de ce point de vue, plus bons à rien... On les met donc à la retraite. Hélas (!) les pensions coûtent de l’argent au capital, puisque l’assurance-vieillesse est une forme de salaire différé. Voir les salarié-e-s reprendre ainsi une part de la richesse qu’il ont produite est insupportable aux capitalistes, qui décrètent donc un jour que ce n’est pas à eux, mais aux salarié-e-s eux-mêmes, d’épargner l’argent nécessaire pour leurs vieux jours. Les réformes du gouvernement poursuivent exactement ce but.

Se battre pour une alternative

Il faut suivre la logique inverse. Dans une société communiste libertaire, il est probable que l’on travaillerait tout au long de la vie, mais à l’inverse du capitalisme, non pas contraint et forcé par la nécessité de se nourrir, mais pour prendre une part active à la vie collective selon ses capacités, selon son âge, voire selon ses aspirations, tout en recevant selon ses besoins, et non en fonction de la quantité de travail fournie. En somme, le système par répartition, fondé sur la solidarité – qui aujourd’hui est comme une anomalie socialiste au sein du système capitaliste – serait élargi à l’ensemble de la distribution des ressources dans la société, l’égalité en plus. Il n’y aurait donc pas de système spécifique à destination des plus de 60 ans, puisque l’ensemble du système serait fondé sur la solidarité.

Le système de retraites par répartition, bien que répercutant fatalement les inégalités de la société capitaliste actuelle est un acquis social que nous devons défendre, car il constitue notre (quasi unique et toute relative) porte de sortie du système d’exploitation. Nous devons donc nous battre pour que cette sortie se fasse le plus vite possible et dans les meilleures conditions pour les travailleuses et les travailleurs. Mais ce avec quoi nous voulons en finir eau bout du compte, c’est bien l’actuelle économie capitaliste qui détruit la planète et sème la misère pour le profit d’une petite minorité de privilégiés.

Vincent Nakash (AL Paris-Sud)


<titre|titre=Pourquoi le système par capitalisation est dangereux>

  1. Il dresse les salarié-e-s les uns contre les autres, car les retraité-e-s dépendent, pour le niveau de leur retraite, de la férocité avec laquelle sont exploités leurs camarades en activité.
  2. Il n’offre aucune sécurité. Les cotisations sont versées dans un fonds de pension et placées sur les marchés financiers, à la merci d’un krach boursier.
  3. Il ne peut pas compléter le système par répartition, mais le cannibaliser. Par son existence même, parce qu’il repose sur une logique de baisse des charges sociales, le système par capitalisation grignoterait et détruirait progressivement le système par répartition.
  4. Il casse le principe de solidarité intergénérationnelle. Chacune et chacun épargne pour sa propre retraite. Les riches s’en sortent peut-être, mais les pauvres pas du tout.
  5. Il déstabilise encore plus l’économie. Les énormes volumes monétaires des fonds de pension sont utilisés par les banques et assurances pour spéculer en bourse. Ils ont déjà provoqué des mouvements de panique et des catastrophes financières dans plusieurs régions du monde.

 
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