Cinéma : Bräuning, « No more smoke signals »




Kili Radio commença à émettre ses programmes en février 1983 depuis son promontoire de Porcupine dans la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud). Outil de communication privilégié, la « Voix de la nation Lakota » s’efforce de répondre aux besoins d’une communauté de quelque trente mille Sioux, sur un territoire réduit à 9 000 km².

Dans cette station/refuge, certaines et certains puisent de quoi conférer un nouveau sens à leur existence. Roxanne Two Bulls relate ce qu’elle avait subi avant sa cure de désintoxication. Elle prodigue à d’autres, plongés dans l’enfer de l’alcoolisme et des stupéfiants, des conseils afin de leur éviter le chaos. Ce qui la tourmente le plus, c’est la confiscation par les autorités, le 28 février 1877, en rupture du Traité de Fort Laramie (Wyoming) du 29 avril 1868, des Black Hills (« Paha Sapa »), un lieu sacré pour ses frères et sœurs. Les trombines, taillées dans le granite du Mont-Rushmore, de George Washington, Thomas Jefferson, Théodore Roosevelt et Abraham Lincoln, les tribus sioux les appréhendent comme une humiliation suprême, une spoliation ignominieuse pour lesquelles elles ne réclament aucun dédommagement financier, mais la restitution de leur bien. Au lendemain du crash du 11 septembre 2001, John Trudell avait composé la chanson Cry your tears. Paroles fortes : « Maintenant vous voulez que nous pleurions pour vous, alors que nous avons déjà versé tant de sang… Descendants d’un génocide perpétré il y a plus de cent ans, nous sommes réduits à une infime minorité. À cause de ce passé, nous ne versons de larmes que sur nous-mêmes. Le doigt pointé vers ce que vous nommez le mal, vous sacrifiez des innocents à vos dieux ».

Le 11 février 1979, le cofondateur de l’American Indian Movement, qu’il présida durant sept ans, prononça un discours contre la détention inique de Leonard Peltier [1] et brûla la bannière étoilée devant le siège du FBI à Washington. Quelques heures plus tard des « inconnus » (?!?) incendièrent la maison de sa famille à Duck Valley (Névada). Son épouse Tina, alors enceinte, ses trois enfants en bas âge, sa belle-maman, périrent dans les flammes. Depuis décembre 1986, chaque année, des dizaines de Sioux entreprennent la chevauchée, à travers des paysages grandioses, vers Wounded Knee, où, le 29 décembre 1890, la cavalerie yankee, commandée par le colonel James William Forsyth, massacra environ trois cents des leurs. Commémoration, mais aussi un signe éclatant de la dignité recouvrée.

Pour son chef-d’œuvre de quatre-vingt-neuf minutes, qui évite tout cliché et lamento misérabiliste, la Bâloise a reçu plusieurs distinctions dont, le 7 mars à Lucerne, le Prix du Cinéma suisse 2009 dans la catégorie Documentaire. Lors de sa projection, les 21 et 23 janvier derniers, à l’occasion des 44es Journées cinématographiques de Soleure, elle fut longuement ovationnée.

René Hamm

Fanny Bräuning, No more smoke signals, Suisse, 35 mm, 2008.

[1Leonard Peltier est incarcéré depuis le 6 février 1976, pour le meurtre, le 26 juin 1975 à Oglala, qu’il n’a pas commis, de deux agents du FBI. Il a connu plusieurs pénitenciers. Le 12 janvier 2009, il a été transféré de Leavenworth (Kansas) dans une geôle à Lewisburg en Pennsylvanie, Dans le film, on le voit lors de sa capture à Hinton dans l’Alberta et on l’entend converser quelques instants avec sa grand-mère Red Ow sur les ondes de Kili Radio. Le prisonnier politique obtiendra-t-il la grâce de Barack Obama ?

 
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