Syndicalisme

Débat : grèves d’opinion ou grèves de confrontation ?




La grève interprofessionnelle du 17 mars s’annonçait comme un échec... et ce fut le cas ! De quoi faire réfléchir au bien-fondé de ce genre de grève « rituelle » de vingt-quatre heures.

Concurrençant malheureusement l’appel à la grève féministe du 8 mars, la mobilisation du 17 mars appelée par CGT, FSU, Solidaires et Unsa faisait elle-même suite à la grève du 27 janvier qui avait peiné à fédérer les nombreux conflits de boîtes portant sur les salaires. La journée du 17 mars devait contribuer à poser la question salariale dans le débat présidentiel. De par son objectif, on peut donc la qualifier de grève « d’opinion » ou « d’expression » : personne ne pense réellement que cette journée permettra de gagner directement quoi que ce soit ; elle a pour seul but de créer un « climat » favorable aux travailleuses et travailleurs.

Bien sûr, bien des mouvements durs débutent parfois par une grève d’une journée où nous jaugeons nos capacités collectives et organisons la suite. Aussi, des grèves sectorielles de vingt-quatre heures, comme dernièrement celles des AESH, peuvent s’inscrire dans un rapport de force et ne pas être dénuées de perspectives. La question n’est donc pas « grève de vingt-quatre heures ou grève reconductible ? » mais « grève d’expression ou grève de confrontation ? ».

Nous peinons à déclencher et à faire vivre des grèves sur nos lieux de travail parce qu’elles impactent directement les conditions de vie des salariées. Les déserts syndicaux sont nombreux et ces appels à la grève interpro restent inconnus de beaucoup de salariées. Il y a donc un décalage en­tre l’ambition de faire vivre une grève pour donner son opinion et ces réalités. Notre priorité doit être de (re)construire, grâce à l’outil syndical, des collectifs de résistance et de présenter la grève comme le moyen qui a permis à notre classe ses plus importantes avancées sociales. Mais c’est un outil de confrontation dur avec le patronat et/ou l’État qui ne doit pas être employé à la légère... car nous n’en sortons pas toujours gagnants… et pour redonner confiance dans notre force collective c’est bien de victoire dont nous avons besoin.

Pour avoir des chances de gagner dans le contexte actuel il nous faut :
– fédérer sur une ou des revendications claires ;
– préparer bien en amont un appel à la grève ;
– penser aux suites que nous voulons/pouvons donner à la grève et nous doter des outils pour cela (AG de boîtes, travail intersyndical, etc.).

Facile à dire, pas à réaliser. Une bonne préparation suppose d’avoir le temps pour informer et inciter. Le temps aussi de développer un travail de coordination entre syndicalistes aux différents échelles (boîtes, villes, départements, etc.), de la façon la plus interprofessionnelle et intersyndicale possible.

La grève du 5 décembre 2019, qui avait ouvert le bal du mouvement de lutte contre la réforme des retraites offre un exemple, même partiel et imparfait, de ce que peut être une grève préparée. C’est vers quoi nous devons tendre.

Les salariées croient davantage à la victoire à l’échelon local qu’à l’échelon interprofessionnel. Nous devons casser ce verrou. Or, de ce point de vue, les grèves d’opinion, ritualisées, auxquelles parfois même les militantes ne croient pas sont contre-productives. Redonner toute sa portée à la grève est un élément fondamental pour gagner mais aussi pour mettre à mal la (souvent) fausse impression de non-combativité du syndicalisme. C’est certainement une question que nous devons partager au sein de nos structures syndicales.

Gil (UCL Montpellier)

 
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