Le Dico anticapitaliste : Qu’est-ce que la réification ?




Chaque mois, un mot ou une expression passée au crible par Florian.


La réification, en langage philosophique, signifie transformer en chose ; c’est donner un caractère statique et matériel à une réalité vivante ou humaine. Il ne faut pas perdre de vue cette définition de base pour appréhender le concept de réification dont Marx a jeté les bases et que Lukács a développé dans son œuvre majeure Histoire et Conscience de classe (1923).

En se basant sur la critique de l’économie capitaliste de Marx et sur les travaux en sociologie de Max Weber, Lukács souhaite mettre à jour ce phénomène propre à la société capitaliste industrielle. Dans celle-ci, le travailleur ou la travailleuse doit vendre sa force de travail pour survivre. Il doit donc se vendre comme une marchandise. C’est un processus de chosification. Puis, sa force de travail s’objective par rapport à lui. Elle devient quelque chose d’abstrait et de quantifiable qui ne lui appartient plus.

Dans le même temps, pour répondre à un objectif d’efficacité, le travail est rationalisé, organisé en petites tâches précises. C’est la division du travail mise en place dans les manufactures dès la fin du XVIIIe siècle. En 1923, Lukács a sous les yeux des usines dans lesquelles est expérimentée une nouvelle méthode de travail, le taylorisme. Le but de cette méthode créée par l’ingénieur américain Frederick Taylor est d’augmenter toujours plus la productivité. Il faut être efficace, l’ouvrier ou l’ouvrière répète toujours la même tâche. Il ne doit pas perdre de temps, qui est mesuré et dont il est dépossédé.

Le qualitatif disparaît au profit du quantitatif. La société est organisée non pas pour satisfaire les besoins humains, mais ceux de l’économie capitaliste qui est de produire toujours plus de marchandises, pour engendrer toujours plus de profits. Les biens deviennent des marchandises dont la valeur est basée non pas sur l’usage qualitatif mais sur la quantité de travail abstrait.

Au même moment, Max Weber analyse le développement de la bureaucratie et la transformation de l’État. Il observe que l’État, chargé d’organiser la vie en société, est lui aussi rationalisé comme une entreprise. On se retrouve ainsi avec une bureaucratie, une justice éloignée des hommes, ayant une gestion quantitative de la population. Ainsi toute la société est organisée quantitativement. Les hommes et les femmes finissent par en oublier leurs besoins réels et se mettent à penser que cette forme de vie est authentique.

On travaille, on consomme des marchandises, on est géré collectivement par un État et son administration. Les hommes et les femmes n’ont prise sur rien, ils et elles sont dépossédé-e-s de leurs vies.

 
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