Culture

Lire : Sidi Moussa, « Le Remplaçant. Journal d’un prof (précaire) de banlieue »




Le récit de Nedjib Sidi Moussa pourrait être celui de nombre de diplômées précaires (« intellos précaires ») qui, outre de faire tourner nombre d’entreprises des secteurs de l’édition et de l’information ou des associations, sont un rouage essentiel de l’éducation : de la primaire au supérieur.

Il faut dire que Nedjib Sidi Moussa cumule les handicap : issu du prolétariat immigré, pas inscrit dans des réseaux lui permettant de convertir son doctorat en science politique, il galérera pendant dix ans entre vacations et petits boulots sans obtenir de poste de (MCF) Maître de conférence, c’est à dire en enseignant-chercheur titulaire. Pis encore, la réception au sein de son « camp social » de son premier ouvrage, La fabrique du musulman, sorti chez Libertalia en 2017, lui vaudra dit-il d’être « clouer au pilori ».

En novembre 2017, dix ans après l’obtention de son doctorat, il obtient enfin un avis favorable pour enseigner dans le secondaire dans un rectorat de banlieue, mais ce n’est qu’en janvier 2021 que Nedjib Sidi Moussa se retrouve comme il le dit « parachuté dans un collège de banlieue sud ». Une fois encore la déception est au rendez-vous : il avait, au regard de son parcours et de son expérience, demandé et espéré enseigner en lycée, ce sera le collège.

Un an plus tard, Nedjib Sidi Moussa s’engage dans la tenue d’un journal, comme « un témoignage à visage découvert » de cette réalité complexe qu’il resitue parfaitement. Si le regard est tendre bien que sans concession sur ces jeunes qui lui ressemblent tant par l’origine sociale, le prolétariat immigré, mais dont l’écart de part le parcours est abyssal, le constat que pose Nedjib Sidi Moussa sur notre système d’enseignement et plus globalement notre société est féroce. En anthropologue installé dans ces marges de la République, l’auteur observe, enregistre et est même lui-même victime des dysfonctionnements (à ce niveau peut-on encore parler de dysfonctionnements tant cela semble être structurel ?) de notre école et ce faisant de notre société.

Mais ce « sorbonnard précaire » qu’on prend plus facilement pour un « prof de techno » que pour un prof d’histoire en vient dans ce marasme à se réjouir des petites victoires, qui peuvent certes apparaître dérisoires, quand une élève vient vous voir à la fin d’un cours, d’une année, pour dire le plaisir qu’il ou elle a eu d’apprendre en votre compagnie.

David (UCL Savoies)

  • Nedjib Sidi Moussa, Le Remplaçant. Journal d’un prof (précaire) de banlieue, L’Échappée, 224 pages, 18 euros.
 
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