Antifascisme

27 novembre, 5 décembre : Les divisions, y a basta !




Les 27 novembre et 5 décembre, à huit jours d’intervalle, deux manifestations antifascistes se sont tenues dans les rues de Paris. Face au constat unanime de la fascisation de la société, les organisations du camp social n’ont pas réussi à s’unir face à la peste brune. Il est nécessaire de poser à présent un regard lucide sur cet épisode et d’en tirer les enseignements pour la suite.

En octobre dernier, dans le cadre de la Coordination antifasciste francilienne, déclinaison locale de la Coordination unitaire antifasciste, Solidaires, la CNT, la Jeune Garde Paris, l’AFA-PB, la Horde, le PQA (Paris Queer Antifa), le NPA et l’UCL lancent un appel à mobilisation contre l’extrême droite et ses idées, le 27 novembre. La préparation de cette manifestation ne se fait pas sans difficulté : des organisations ne viennent pas aux réunions tandis que d’autres en profitent pour régler des comptes nés de rivalités dont les enjeux sont sans rapport avec les ennemis que nous combattons. Et, le plus navrant, deux organisations refusent que se joignent à l’appel les Juives et Juifs révolutionnaires (JJR) et le Réseau d’actions contre l’antisémitisme et tous les racismes (Raar).

C’est dans ce contexte déjà un peu lourd que la coordination voit s’annoncer un meeting de Zemmour le 5 décembre à la Villette, dans le nord de Paris. Tandis que les unes souhaitent déplacer la date pour manifester contre Zemmour, les autres tiennent à maintenir la manif le 27 novembre. Coup de tonnerre trois jours avant cette date  : la CGT et la Jeune Garde Paris annoncent, unilatéralement, une manifestation le 5 décembre… au risque de saborder la coordination régionale. La Jeune Garde ne participera finalement pas à celle du 27 qui rassemblera quelque 3 000 personnes, ce qui sans être une réussite, n’est pas ridicule.

le travail de terrain est essentiel

La décision de la Jeune Garde et de la CGT crée des tensions dans le milieu antifasciste. En plus du choix de partir seuls et de se mettre en avant comme les deux orgas qui feront taire Zemmour, leur choix d’une arrivée trop tardive devant le meeting pour l’empêcher ou même le gêner est également critiqué. Nouveau rebondissement, quelques jours avant le 5, l’équipe de Zemmour annonce que le meeting sera déplacé à Villepinte. Les organisateurs de la manifestation, dite unitaire, décident de maintenir le parcours initial de Barbès à La Villette pour qu’un maximum de personnes puissent être présentes… mais désormais à plusieurs kilomètres du meeting.

Nouvelle fracture dans le camp antifasciste, certains, dont l’AFA-PB décident de manifester à Villepinte, bien que cette zone excentrée soit propice à la répression. Le jour J le camp antifasciste se retrouve coupé en deux. La grande manifestation populaire, à l’appel de 65 structures et collectifs comme le soulignent les organisateurs, ne draine finalement qu’un nombre de manifestantes à peine supérieur à celle du 27 novembre.

Constat provisoire : la levée de masse contre le fascisme n’a pas eu lieu, il ne suffit pas de se prévaloir d’être la plus grosse organisation de classe pour réussir une mobilisation. Dans l’antifascisme comme ailleurs le travail de terrain est essentiel et s’en exonérer conduit immanquablement à une mobilisation de témoignage. Le rassemblement de Villepinte aura, lui, été empêché par la répression de l’appareil d’État qui a trouvé des alliés dans les multiples groupes fafs qui se baladent en mode chasseurs. Les seules à tirer leur épingle du jeu : les militantes pourtant très peu radicaux de SOS Racisme – avec toutes les réserves que l’on peut apporter sur leur action spectaculaire.

Ils et elles auront réussi non seulement à gêner un tant soit peu le meeting de Zemmour, mais également à montrer au grand public qu’il draine avec lui le ban et l’arrière-ban de l’extrême droite radicale, laquelle est viscéralement attachée à user de la violence physique contre toutes celles et ceux qui sont désignées comme des ennemies. C’est ça la France que nous promet Zemmour.

Un constat s’impose sur cette dernière séquence : le danger fasciste ne suffit pas ou plus pour mobiliser d’un claquement de doigt, et ce dans tout notre camp social. Cela doit amener toutes les composantes du mouvement antifasciste, non seulement à une certaine humilité, mais, notre organisation comprise, à reprendre très sérieusement le chemin des pratiques et d’une présence antifasciste auprès de notre classe sur les lieux de vie, d’étude et de travail.

Il est plus que crucial qu’en parallèle, nous reprenions sérieusement un travail unitaire, large et clair afin de contrer politiquement dans les têtes et dans la rue la menace qui ne cesse de s’affirmer. Les conséquences logiques de l’appel à l’unitaire et à la massification impliquent nécessairement de se trouver des alliées au-delà des seules libertaires ou militantes de la gauche radicale.

N’attendons pas d’être acculées

L’heure est grave certes, mais il est des raisons d’espérer. Des collectifs antifascistes se constituent partout sur le territoire. Des formations syndicales s’organisent, souvent en intersyndicale sous l’égide de Vigilance et initiatives syndicales antifascistes (Visa). Ne nous y trompons pas, là où le RN/FN s’est implanté par les urnes, les syndicalistes se sont le plus souvent organisées en créant des Visa locaux. N’attendons pas d’être acculées pour réagir.

Dès à présent nous militantes communistes libertaires devons sans relâche agir dans nos syndicats, dans nos collectifs antifascistes, antiracistes, féministes pour repopulariser la lutte antifasciste. Une lutte antifasciste de classe et radicale qui propose un véritable projet de société émancipateur pour toutes. La récente campagne Antiracisme et solidarité peut être un point d’appui important à la rencontre et la convergence de ces forces progressistes contre la fascisation de la société.

David (UCL Grand-Paris sud) et Benjamin (UCL Orléans)

 
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