Antipatriarcat

Kurdistan : le drame des femmes dans Afrîn occupée




La communauté kurde a manifesté en janvier en hommage à Sakîne Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, trois militantes kurdes tuées à Paris le 9 janvier 2013 et dont l’assassinat est resté impuni. Retour sur un mouvement d’émancipation au Kurdistan.

Janvier 2021 a été un mois très important pour le mouvement des femmes kurdes. Le 6 janvier, un rapport du HDP à révélé que de nombreuses femmes portées disparues dans la région d’Afrîn lors de l’offensive de l’État turc en 2018, auraient été envoyées en Libye pour servir d’esclaves sexuelles à des combattants pro-turcs  [1].

Le 9 janvier marquait la commémoration du triple assassinat téléguidé par le MIT, les services secrets turcs, de trois militantes kurdes à Paris en 2013. De nombreuses actions revendiquées par le mouvement des jeunes femmes kurdes, Jinen Tirejen Roje, mené dans six villes de Turquie se sont attaquées à des usines et à des enseignes appartenant à l’AKP, le parti d’Erdogan, et au MHP, parti turc d’extrême droite.

A l’avant-garde de la révolution

Derrière les images stéréotypées de jeunes combattantes en armes que relaient les médias occidentaux, il y a des décennies d’une politique émancipatrice et de lutte pour l’égalité des genres dans la région. Celles-ci commencent avec la création du PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan, avec notamment Abdullah Öcalan (incarcéré depuis 1999 sur l’île prison d’Imrali) et Sakîne Cansiz (assassinée à Paris en 2013). Dès les années 1980, tous deux théorisent et mettent en pratique une politique selon laquelle il ne peut advenir de société libre sans liberté des femmes.

Marche dans le camp de Berxwedan pour protester contre l’occupation d’Afrin par l’État turc.
cc kurdistan-au-feminin

Dans une société patriarcale où la femme est maintenue dans l’ignorance domestique et victime de violences, l’engagement dans la lutte armée devient aussi un moyen de s’émanciper, de s’éduquer et de s’organiser collectivement. Dans un contexte marqué par les printemps arabes, l’émergence de l’État islamique et le génocide des Yézidis au Sinjar en 2014, les luttes pour l’autodéfense des peuples ont mis en lumière le rôle central des femmes. Dans le Nord-Est syrien, un véritable laboratoire politique voit le jour où se développe l’incroyable participation des femmes, et ce sur tous les fronts, militaires et civils, organisées de manière démocratique et autonome.

En 2018, l’État turc colonise Afrîn  : les femmes font désormais face à la violence des groupes djihadistes directement affiliés à l’armée turque d’Erdogan qui entend poursuivre sa stratégie de remplacement démographique dans toutes les régions longeant la frontière turco-syrienne. Malgré la bataille quotidienne contre le fascisme de l’État turc, de nombreuses initiatives pour l’autonomie des femmes voient le jour et continuent de se développer au Rojava.

Le village des femmes de Jinwar  [2], les coopératives agricoles et textiles autonomes des femmes ainsi que le tout nouveaux centre de soin naturel des femmes – Sifa Jin – en sont des exemples. Partout des groupes de femmes se constituent pour rendre la lutte visible et vivante  [3].

Ailleurs, la diaspora continue de lutter et de relayer les victoires sur le terrain, d’œuvrer à la convergence avec les femmes du monde entier car comme elles l’affirment si bien, le XXIe siècle doit-être celui de la libération des femmes.

N. et D. (sympathisantes UCL Marseille)

[1« La Turquie accusée d’envoyer des “esclaves sexuelles” kurdes pour les combattants en Libye », RFI, 9 janvier 2021.

[2« Rojava : AL fait un don au village des femmes », Alternative libertaire, juin 2019.

[3« Les succès du mouvement des femmes kurdes », Alternative libertaire, mars 2015.

 
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