Cinéma : Grandspuits et petites victoires d’Olvier Azam




La coopérative audiovisuelle Les Mutins de Pangée sort en novembre le film Grandpuits et petites victoires en salle. Le DVD est sorti en pré-vente cet été. Cette coopérative, créée par des anciens de la télé libre Zalea TV, sort régulièrement des petites pépites, comme Chomsky & Cie, Mourir ? Plutôt crever, sur Siné, ou Fin de concessions, le dernier Pierre Carles. Ce nouveau film se situe dans cette continuité.

La raffinerie de Grandpuits a été un des fers de lance de la lutte contre la réforme des retraites de 2010. Située en Seine-et-Marne, la grève de trois semaines du site industriel va attirer bon nombre de médias et de collectifs militants parisiens au point que les raffineurs vont devenir malgré eux des symboles du mouvement social en cours.

Le réalisateur fait le choix de filmer caméra à l’épaule le quotidien de la grève, assorti d’interviews de raffineurs, et de quelques petits montages démontant le discours du gouvernement ou rappelant d’où vient le concept de grève générale. La parole est donc pour l’essentiel laissée aux grévistes, ce qui était une condition essentielle pour comprendre ce qui a incité ces salarié-e-s à mener cette lutte. Ceux-ci expliquent ainsi qu’ils étaient au départ parti pour seulement quarante-huit heures de grève, afin de lancer un « signal », mais que c’est une provocation de la direction qui a entraîné la grève reconductible.

La grève se déroule ensuite au gré des assemblées générales, des relevés des nombreux courriers de soutien et des visites de journalistes, policiers ou militants sur le piquet. Et on comprend vite à travers les témoignages ce qui a fait tenir la grève aussi longtemps. D’un côté la dureté des conditions de travail à la raffinerie, qui fonctionne en trois-huit et dans laquelle les ouvriers ne se voient pas bosser au-delà de 55 ans. De l’autre, le soutien immense au sein de la population, dont témoignent les innombrables lettres de soutien ou encore l’ambiance dans le cortège des grévistes lors des manifestations parisiennes. Ceux-ci ne sont cependant pas dupes : si tous les yeux sont tournés vers eux, c’est aussi parce qu’ils sont isolés dans la grève, aux côté des autres raffineries et des dockers. Quand des enseignant-e-s viennent témoigner leur soutien aux grévistes et suggèrent que le nœud du problème est l’absence d’appel à la grève des directions syndicales, un gréviste leur fait remarquer à juste titre qu’eux n’ont pas attendu un tel appel pour partir en grève.

Le contexte général est par ailleurs assez peu discuté en assemblée générale, qui se résume souvent à des interventions des responsables syndicaux puis au vote de la reconduction, suivis éventuellement de prises de paroles des non-grévistes. Jusqu’à la fin octobre où les autres raffineries reprennent peu à peu le travail et où les organisations syndicales de Grandpuits se refusent à se positionner sur la poursuite de la grève, s’en remettant à un vote à bulletin secret qui y mettra fin. Seul un entretien avec un responsable local de la CGT reviendra sur le bilan stratégique de la grève.

Le DVD est assorti de nombreux bonus : des témoignages supplémentaires, des photos et surtout un reportage bien marrant de François Ruffin, qui se fait passer pour un militant UMP défendant la réforme Fillon au sein d’une manifestation, reprenant toutes les âneries martelées par le gouvernement. De nombreuses avant-premières ont ou auront lieu, en présence du réalisateur et de grévistes à travers toute la France (voir www.grandpuits-lefilm.fr). A ne pas manquer.

Grégoire Mariman (AL Paris Sud)

 
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