Dossier Mexique : Chronologie et cartographie de la campagne de Basse-Californie




La carte des opérations en Basse-Californie.
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20 novembre 1910 : Début
de l’insurrection contre
la réélection de Díaz à l’appel
de Francisco Madero. Le Parti libéral mexicain (PLM) appelle ses partisans à prendre les armes.

Succès initial

29 janvier 1911 : Une vingtaine
de combattants du PLM s’emparent
de Mexicali. Ils sont dirigés par
le general en jefe de las Fuerzas Insurgentes José Maria Leyva,
et son lieutenant Simon Berthold. Une partie de la population se réfugie à Calexico. De Mexicali,
les insurgés menacent directement les riches domaines agricoles
et les installations hydrauliques dont dépendent les agriculteurs états-uniens de l’Imperial Valley. L’événement fait la une
de la presse des deux côtés
de la frontière.

José María Leyva (1877-1956)
Après s’être emparé
de Mexicali, il
est destitué
par ses hommes. Rallié à Madero, il fera carrière
dans l’armée mexicaine.

30 janvier : Rejoint par de nombreux volontaires venus des États-Unis,
le groupe atteint bientôt
80 hommes. Une colonne de 150 soldats fédéraux dirigée par le colonel Celso Vega quitte Ensenada pour aller la repousser.

5-14 février : Déclarations tapageuses à la presse de Dick Ferris. Ce businessman californien extravagant, qui dit compter sur
le soutien de financiers états-uniens, annonce son projet d’une Basse-Californie indépendante.
Il veut recruter 1.000 hommes pour s’emparer de la péninsule. Début des rumeurs amalgamant Dick Ferris, le PLM et la possible annexion de la Basse-Californie
par les États-Unis.

15 février : La troupe fédérale
de Celso Vega est repoussée
par les insurgés devant Mexicali. Enthousiasme des révolutionnaires. Les volontaires sont bientôt près de 200 dans la ville.

16 février : Le socialiste américain John Kenneth Turner visite Mexicali où il apporte une livraison d’armes.

21 février : Un détachement
d’une trentaine d’États-Uniens, dirigé par l’ex-sergent William Stanley, s’empare de la douane de Los Algodones, à l’est de Mexicali, et la pille. L’action, menée sans l’accord de Leyva, entraîne un conflit entre Yankees et Mexicains.

22 février : José Maria Leyva
et Simon Berthold déclarent
à la presse états-unienne vouloir, selon une formule socialiste à la mode à l’époque, fonder un « cooperative commonwealth » en Basse-Californie. Les journalistes en concluent qu’ils veulent instaurer une République indépendante. Les insurgés sont
à présent 300 à Mexicali,
dont deux tiers de Gringos.

1er mars : Une nouvelle colonne libérale, dirigée par Francisco Vázquez Salinas et Luis Rodriguez, traverse la frontière et campe près de Tecate. Elle recrute des partisans et fait des réquisitions dans les fermes des environs, au grand dam des rancheros.

3 mars : Au sein des Fuerzas Insurgentes, la cohabitation entre Mexicains et Gringos se tend. L’inactivité et l’indécision sur les objectifs engendrent des conflits. Au cours d’une violente dispute, William Stanley essaie de faire destituer José Maria Leyva. Simon Berthold l’en empêche. Désarroi et désertions s’ensuivent. José Cardoza part avec un petit groupe guerroyer dans le Sonora. Stanley part à Los Angeles pour convaincre la junta de le laisser mener une expédition indépendante.

6 mars : 20.000 soldats US sont déployés le long de la frontière.

Un train réquisitionné par les Fuerzas insurgentes.
L’unique voie ferrée
de la région appartient à la Southern Pacific (États-Unis).

8 mars : Le 8e bataillon d’infanterie fédérale, dirigé par le colonel Mayol, débarque à Ensenada. Son objectif est d’aller sécuriser les installations hydrauliques de l’Imperial Valley. Les dommages que pourraient causer les rebelles mettraient en péril l’économie de la région et risqueraient de justifier une intervention militaire US.

12 mars : À la tête de 20 hommes, Luis Rodríguez s’empare de Tecate. William Stanley, nommé par la junta commandant d’une Secunda División de las Fuerzas Insurgentes, la « division étrangère », réinvestit la douane de Los Algodones avec ses hommes, essentiellement des Yankees. Fin mars, ils seront une centaine.

15 mars : Leyva et Berthold quittent Mexicali avec environ 200 hommes pour aller aux devants
du 8e bataillon d’infanterie
en provenance d’Ensenada. Francisco Quijada reste à la tête d’une petite garnison à Mexicali.

Soldats mexicains.
Seuls 27 fédéraux sous-équipés gardent la frontière au nord de la Basse-Californie. Impossible pour eux
de résister à l’assaut des insurgés.

Premiers revers

17 mars : Le 8e bataillon fédéral prend de court Leyva et Berthold
et atteint Tecate, d’où il chasse
les libéraux.

18 mars : Tensions à Mexicali.
La nuit précédente, une attaque
a été déjouée à Los Algodones.
Une autre serait prévue contre Mexicali. Plusieurs individus suspects sont fusillés.

23 mars : La colonne de Berthold
et Leyva échoue à reprendre Tecate, bat en retraite et se
divise. Leyva repart à Mexicali
avec 145 hommes. Berthold,
avec 55 hommes, descend vers les mines d’El Alamo. En route, il est blessé par un tireur embusqué.

24 mars : Leyva arrive à Mexicali. Son autorité est à nouveau mise
en question par les Yankees,
qui lui attribuent la perte
de Tecate. Certains rejoignent
le groupe de Berthold.

27 mars : Berthold s’empare d’El Alamo. La petite ville minière est saccagée, les machines détruites, les archives brûlées.

31 mars : José María Leyva est démis de ses fonctions et est remplacé
par Francisco Vásquez Salinas.

1er avril : Porfirio Díaz qualifie le mouvement de Basse-Californie de « flibustier ». Antonio de P. Araujo est dépêché par la junta à Los Algodones puis à Mexicali pour inspecter les troupes et tenter d’apaiser les conflits entre combattants mexicains et yankees.

6 avril : Stanley et la Secunda División quittent Los Algodones pour renforcer Mexicali et,
au passage, dévalisent plusieurs fermes.

8 avril : Désobéissant à Vásquez Salinas, la Secunda División lance une attaque contre le 8e bataillon fédéral, qui campe aux abords
de Mexicali. Défaite.
William Stanley est blessé.

9 avril : Stanley succombe à ses blessures. Il est remplacé par Caryl Ap Rhys Pryce, un « soldat de fortune » gallois, qui aussitôt accuse Vásquez Salinas d’avoir trahi Stanley en ne lui portant pas secours. Son élection accentue
les tensions au sein des Fuerzas Insurgentes et, bien que Salinas reste officiellement general en jefe, le pouvoir passe aux mains des Yankees et en particulier de Pryce.

13 avril : Simon Berthold meurt
à El Alamo de l’infection
de sa blessure. L’élection du nouveau commandant, Jack Mosby, provoque un conflit. Emilio Guerrero et son groupe d’Indiens quittent le groupe et vont opérer plus au sud.

18 avril : la junte fait convoyer
par les IWW de Holtville
un chargement d’armes pour
les troupes libérales de Mexicali.

23 avril : Ricardo Flores Magón enjoint par courrier Rhys Pryce
à aller chasser le 8e bataillon fédéral qui surveille les ouvrages hydrauliques de la Mexicali Valley. S’il y parvient, le PLM pourra exercer des pressions sur certains magnats états-uniens et espérer leur soutirer de l’argent. Mais Pryce ne suit pas cette recommandation et, en accord avec Jack Mosby, décide de reprendre Tecate,
puis de s’emparer de Tijuana.

Le sursaut : Tijuana

Fin avril-1er mai : Francisco Vázquez Salinas est arrêté à Los Angeles où il était venu rencontrer la junta. Francisco R. Quijadas est nommé general en jefe. Un accrochage
a lieu à El Carrizo entre un détachement fédéral et Jack Mosby, en route vers Tecate avec 50 hommes. Mosby, blessé, est transporté de l’autre côté de la frontière. Le commandement passe à Sam Wood qui, avec une centaine d’hommes, occupe Tecate.

Début mai : Rhys Pryce, avec 150 hommes, rejoint la troupe
de Sam Wood à Tecate. Reste
à Mexicali une garnison de 75 hommes dirigés par Francisco Quijadas. À la même période,
le petit groupe d’Emilio Guerrero réinvestit El Alamo, et s’empare
de plusieurs petits villages
des environs, parmi lesquels
San Quintín, Santo Tomás,
San Telmo et Santa Catarina.

Le « général » Rhys Pryce.
Cet aventurier gallois conduit la prise de Tijuana mais est pris
de la folie des grandeurs.

9 mai : Après de durs combats occasionnant de lourdes pertes,
la Secunda División s’empare de Tijuana. La ville, pense Pryce, permettra peut-être de générer des recettes financières qui font cruellement défaut aux Fuerzas Insurgentes. Cette bourgade d’un millier d’habitants, reliée à San Diego par le chemin de fer, est un lieu de loisir pour les voisins états-uniens qui viennent régulièrement y dépenser leur argent dans les casinos, les saloons et au champ de courses – une activité alors prohibée en Californie. La ville est pillée par les insurgés et des badauds états-uniens ayant traversé la frontière. Cette victoire suscite à nouveau l’enthousiasme et de nombreux étrangers, parmi lesquels 30 déserteurs de l’armée US, rejoignent l’armée libérale.

Dans les jours qui suivent, Pryce instaure une sorte d’« économie touristique de guerre » à Tijuana. Pour 25 cents, les États-Uniens peuvent visiter les lieux des combat ; les saloons et les casinos tournent à plein et les insurgés prélèvent les taxes, ce qui permettra à la Secunda División d’envoyer au total 850 $ à la junta. Pryce lui réclame l’achat d’une mitrailleuse, que la junta promettra mais n’enverra pas.

La confusion

10 mai : Prise de Ciudad Juárez
par les madéristes, qui sonne
le glas du régime Díaz.

14 mai : À Tijuana, Pryce ne nie pas au reporter du San Diego Union qu’il serait assez favorable
à un rattachement de la Basse-Californie aux États-Unis.
La campagne de presse sur
le caractère annexionniste de l’expédition reprend de plus belle. En fait Pryce, starisé par les médias, devient de plus en plus incontrôlable. Il fera des déclarations similaires au San Francisco Chronicle le 1er juin,
au Los Angeles Express le 5 juin
et au New York Times le 6 juin. Traversant régulièrement la frontière, il déjeune dans les meilleurs restaurants de San Diego et noue des contacts avec l’affairiste Dick Ferris.

15 mai : Cessez-le feu entre Díaz
et Madero.

20 mai : La junta lance un appel à immigrer en Basse-Californie pour « mettre en pratique les idéaux rédempteurs du Parti libéral mexicain » et « y mener une vie libre et heureuse, sans maître et sans tyran ».

21 mai : Signature du traité de paix entre les représentants de Díaz
et ceux de Madero.

La junte du PLM en exil à Los Angeles.
Anselmo Figueroa, Práxedis Guerrero, Ricardo Flores Magón, Enrique Flores Magón et Librado Rivera.

24 mai : La junta annonce qu’elle
ne dépose pas les armes
et continue la révolution. Perplexité parmi les troupes sur le terrain.
À Tijuana, la situation
est stationnaire, les hommes s’ennuient, les disputes
et les déprédations continuent.

28 mai : Le groupe d’insurgés d’Emilio Guerrero arrive à Tijuana. Nouveaux conflits, parfois meurtriers, entre les hommes.
Les désertions se multiplient.

30 mai : Pryce va à Los Angeles s’entretenir avec la junta
des perspectives du mouvement. Comme celle-ci refuse la reddition, même sous conditions,
il démissionne.

L’éphémère république

2 juin : En l’absence de Pryce,
le commandement de la place de Tijuana est revenue à Louis James. Séduit par l’idée de Dick Ferris de créer une république indépendante de Basse-Californie, il persuade une partie de ses hommes du bien-fondé de cette idée et annonce sa constitution prochaine à la presse californienne, qui va faire ses gros titres dessus. Il part ensuite à
San Diego convaincre Ferris
d’en accepter la présidence.
Mais ce dernier prend peur et décline l’offre.

3 juin : Louis James, pas découragé, fait confectionner à San Diego un drapeau pour la République indépendante de Basse-Californie : c’est une copie du drapeau US frappé d’une unique étoile.
Au Mexique, le nouveau pouvoir accuse le PLM de trahison à
la patrie. Alarmée, la junta envoie des émissaires à Tijuana rétablir l’ordre.

5 juin : Quand Louis James revient
à Tijuana, il est accueilli par
un comité d’accueil hostile.
Les insurgés mexicains brûlent son drapeau et menacent de le fusiller. Il s’enfuit. Jack Mosby, désigné commandant de la place, tente
de redresser la situation. Il ferme les saloons et les casinos mais, pour continuer à tirer de l’argent du tourisme, il organise une sorte de Wild West Show à la manière
de Buffalo Bill. Il essaie également d’apaiser les conflits entre les combattants, mais n’y parvient pas. Emilio Guerrero et ses hommes repartent mener la guérilla
dans la région d’Ensenada.

L’hallali

6 juin : Le gouvernement mexicain obtient l’autorisation de Washington de faire passer 1.500 soldats en territoire américain pour reconquérir
la Basse-Californie.

10-11 juin : Des combattants
du groupe de Guerrero sont massacrés près de El Alamo.

13 juin : Des émissaires gouvernementaux rencontrent
la junta à Los Angeles pour la convaincre d’abandonner la lutte armée. Refus catégorique.

14 juin : La junta est arrêtée
par les autorités états-uniennes
et inculpée pour violation
des lois de neutralité.

18 juin : José Maria Leyva, passé dans le camp madériste, négocie
la reddition de Mexicali au nom
du gouvernement. Le nouveau commandant de la place,
Rodolfo Gallegos, accepte. Les 150 combattants libéraux déposent les armes et sont indemnisés.

21 juin : À Tijuana, Jack Mosby refuse la reddition.

Prisonniers « magonistes »
Capturés par l’armée US après leur défaite à Tijuana, les insurgés sont parqués quelque temps dans un camp avant d’être libérés.

22 juin : Le colonel Celso Vega,
à la tête de 600 hommes,
attaque Tijuana défendue par 200 insurgés. Les libéraux battent en retraite : les Indiens et
les Mexicains se dispersent dans
la nature, tandis que les Yankees se réfugient de l’autre côté
de la frontière où il sont désarmés par l’US Army et emprisonnés
trois jours à Fort Rosecrans avant d’être relâchés. Moins d’une dizaine seront poursuivis,
soit pour désertion de l’armée US, soit pour violation de la loi sur
la neutralité.


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