Stratégies : Une CGT, deux attitudes




« Ne jamais se fâcher vraiment avec l’Etat ni avec le patronat ; mais ne jamais laisser penser qu’on laisse tomber les salarié-e-s en lutte ». Telle pourrait être la maxime à inscrire sur le fronton de la confédération, à Montreuil. Jusqu’à quand ?

Le mouvement social de l’automne 2010 a, une nouvelle fois, mis en lumière la cohabitation de deux mondes au sein de la CGT.

D’un coté, la direction confédérale s’est en permanence placée en suiviste du mouvement, a refusé de cordonner les luttes. Au contraire elle a distillé des petites phrases démobilisatrices sur l’absurdité supposée de la grève générale, a condamné les propos des syndicalistes qui comparaient à Vichy le gouvernement réquisitionnant les salariés des raffineries ...
D’un autre côté, une dizaine d’unions départementales et certaines fédérations CGT, en particulier celle de la chimie – qui a organisé la grève générale des raffineries –, sans oublier une multitude de syndicats de base et d’unions locales, se sont concrètement affronté à l’Etat et ont joué un rôle majeur dans la mobilisation.

Mais malgré le gouffre béant qui sépare ces deux mondes, aucun affrontement public ne s’est exprimé. La confédération a toujours évité de franchir la ligne jaune d’une condamnation des actions radicales de ses syndicats de base ; et en même temps elle a donné des gages de loyauté vis-à-vis de l’État et du patronat, pour préserver sa position de « partenaire social » incontournable et défendre ainsi ses propres intérêts au sein de la société capitaliste. En un sens, la radicalité d’une partie de la base CGT est même utile à cela… tant que les « débordements » restent sectoriels ou locaux.

Si une partie importante de la base soutien les positions de la confédération, si des responsables syndicaux, y compris jusqu’au sommet de certaines fédérations contestent ces mêmes positions, c’est d’abord au sein de cette forte minorité de syndicats et d’unions locales que se concrétise une logique d’affrontement de classes. Mais la prudence de la confédération lui a permis de s’éviter une contestation organisée. De ce point de vue, la confédération a réalisé un « sans faute ».

Construire une stratégie alternative ?

S’il est prématuré de prétendre prévoir les conséquences de cette mobilisation sociale sur les équilibres internes de la CGT, il est possible d’en tirer quelques enseignements pour celles et ceux qui se battent pour y reconstruire un syndicalisme de classe et de masse.

La démocratie a encore beaucoup de progrès à faire au sein de la CGT : trop souvent les mécanismes officieux de cooptation bloquent de véritables débats permettant que les responsables soient réellement mandatés par la base. Il ne suffira pas de changer les têtes pour que cela change. Un bouleversement du fonctionnement réel de l’appareil CGT sera nécessaire.

Mais à plus court terme, l’absence d’une véritable contestation interne démontre qu’aucun progrès significatif ne sera accompli au sein de la CGT tant que les militantes et les militants « lutte de classe » ne se donnent pas les moyens de débattre ensemble pour dépasser leurs actuels clivages, et pour se coordonner afin d’y défendre une stratégie alternative à celle de la confédération.

Jacques Dubart (AL Agen)

 
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