Dossier Mexique : Controverse : la Révolution mexicaine est-elle communiste ?




Au sein du mouvement ouvrier français, seul le courant libertaire s’est enflammé pour la Révolution mexicaine. Le rôle du Parti libéral et le contenu social de la révolution ont provoqué une vive controverse qui, à certains égards, préfigurait celle qui allait éclore quelques années plus tard au sujet de la Russie.

Le drapeau rouge « Tierra y Libertad » flotte sur le bureau de poste de Tijuana.
Que collectiviser dans cette pauvre bourgade, dont la population a fui ?
Et quelles ressources en tirer pour financer la lutte ? Faute de mieux, le Bazaar Mexicano vend des cartes postales révolutionnaires aux touristes.

Lire également les autres articles du dossier :
 Edito : les anarchistes dans la Révolution mexicaine
 Décembre 1910 : une prise d’armes au cri de « Tierra y Libertad ! »
 Chronologie et cartographie de la campagne de Basse-Californie
 Le Manifeste anarchiste-communiste du 23 septembre 1911
 Le magonisme aujourd’hui : une mémoire à se réapproprier
 Ricardo Florès Magón s’adresse aux femmes


La Révolution mexicaine a eu un retentissement important
sur le mouvement ouvrier états-unien et, notamment, chez les syndicalistes révolutionnaires des IWW. Outre-Atlantique, elle a également eu un écho en France, écho cependant limité à la sphère anarchiste. Pendant plusieurs mois, la presse libertaire a été agitée d’une controverse sur les événements : la Révolution mexicaine était-elle, oui ou non, anticapitaliste ?

C’est Aristide Pratelle, un journaliste libertaire, polyglotte et passionné de politique internationale, qui, l’un des premiers, va souligner les aspects sociaux de la Révolution mexicaine. Depuis 1907 déjà, il suivait avec attention la situation au Mexique et avait publié plusieurs articles dans l’hebdomadaire anarchiste Les Temps nouveaux. C’est lui qui a fait connaître, en France, le Parti libéral mexicain (PLM) et Ricardo Flores Magón [1].

Le 26 novembre 1910, alors que le conflit vient de débuter, Pratelle écrit : « Ceux qui luttent si courageusement contre la tyrannie porfiriste ont toutes nos sympathies. Souhaitons seulement que la Révolution Mexicaine, politique à ses débuts, prenne rapidement un caractère nettement économique et social » [2].

Mais le Mexique est loin, et il est difficile de savoir ce qui s’y passe vraiment. La grande presse, notamment Le Temps, qui reçoit les dépêches télégraphiques avec 48 heures de décalage sur les événements, présente le conflit comme une lutte entre le régime de Díaz et les partisans du démocrate Madero. L’action du PLM est passée sous silence. L’extrême gauche ne prête qu’une oreille distraite à cette guerre lointaine dans un pays considéré comme arriéré.

Il faut attendre avril 1911, soit cinq mois après le début du soulèvement, pour qu’un article de Pratelle dans la revue Les Hommes du Jour excite l’intérêt des révolutionnaires français. En réalité les antiporfiristes ne sont pas unis, révèle-t-il et Madero est contesté par « un certain nombre de révolutionnaires libéraux ». Selon lui, « nous assistons pour la première fois à un réveil général du prolétariat mexicain qui lutte et meurt pour ses intérêts de classe » [3].

Le Libertaire relève l’article de Pratelle [4] tandis que Les Temps nouveaux publient plusieurs brèves sur le sujet. Enfin, le 20 mai, les deux hebdomadaires publient chacun un manifeste du PLM
tiré de son journal, Regeneración, et adressé aux « Travailleurs du monde entier » [5]. Celui-ci provoque une vive émotion. Les révolutionnaires mexicains, affirme-t-il, « savent que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, et ne comptent que sur l’efficacité
de l’action directe »
. Ils n’ont « empoigné les armes pour élever aucun maître, mais pour briser les chaînes du salariat » et ont « la ferme intention d’exproprier la terre et les instruments de travail pour les remettre au peuple, c’est-à-dire à tous et à chacun des habitants du Mexique, sans distinction de sexe ».

Le Libertaire commente avec admiration : « leur cause est la nôtre, c’est celle de tous les déshérités, de tous les exploités. […] Quel appoint formidable pour notre propre libération ce serait alors que celui de tout un peuple émancipé […]  ! Quel exemple pour les autres, quel splendide prélude pour l’émancipation générale ! » [6].
Au même moment, La Bataille syndicaliste, organe officieux de la CGT, fait l’éloge des révolutionnaires en armes.

On fait tourner des feuilles de souscription

Dès le 22 mai, des feuilles de souscription pour le PLM circulent dans l’assemblée de la
Fédération révolutionnaire communiste (FRC), l’organisation anarchiste-communiste de l’époque. La FRC fait aussi imprimer 2.000 affiches double-colombier [7], qui proclament haut et fort : « La Révolution mexicaine est communiste », pas seulement démocrate et bourgeoise. Cela prouve que « la révolution n’est pas une impossibilité, et que le communisme n’est pas une utopie », et cela doit donner confiance au prolétariat français. Avec une jubilation féroce, elle raille même les « petits rentiers » porteur d’obligations d’État mexicaines sur le point de partir en fumée. Et la FRC promet même, en grosses lettres : « 
nos amis mexicains rentrent les banques sont incendiées ; les prisons sont démolies ; les riches sont exécutés »
. On imagine difficilement la réaction du badaud à la lecture de ce brûlot à la violence débridée...

Une affiche de la FRC
Fin mai 1911, les anarchistes de la Fédération révolutionnaire communiste impriment 2000 exemplaires d’une affiche aussi violente qu’enthousiaste.

Une correspondance et un service d’échange s’établissent entre Le Libertaire et Regeneración, permettant de réduire le retard dans l’information. Le Libertaire consacre dès lors, presque chaque semaine, plusieurs colonnes à la Révolution mexicaine. Son enthousiasme est grand, à tel point que le journal voit des collectivisations et du communisme là où souvent il n’y a eu, en somme, que des opérations militaires. Les échos de la campagne de Basse-Californie, surtout, enflamment l’imagination des militants. Certains veulent s’engager dans l’armée libérale. Un courrier est envoyé à Los Angeles, pour demander si le PLM paierait le voyage. La réponse est évidemment négative [8].

En réalité, au moment où la FRC s’engage résolument derrière le PLM, elle ne se doute pas que ses espoirs de victoire sont déjà fortement contrariés. La nouvelle de la chute de Mexicali et de Tijuana est accueillie avec angoisse [9]. Puis l’optimisme reprend le dessus. Tijuana est qualifiée de « défaite partielle » [10]. L’écrasement de la révolte en Basse-Californie ne doit pas faire oublier que – la FRC en est convaincue – un soulèvement prolétarien va l’emporter dans le reste du pays : « C’est bien une révolution sociale, économique et nullement politique qui se poursuit seule, maintenant. […] Une grande heure historique a sonné dans le monde : il s’agit de savoir si la société communiste, en puissance au Mexique, verra définitivement le jour. » [11]

Le Libertaire est cependant le seul titre français à suivre avec autant de passion les événements mexicains. Les Temps nouveaux relaient de temps à autres des informations, mais émettent des réserves. La Bataille syndicaliste, qui suit les événements avec davantage d’assiduité, se montre plus enthousiaste. L’Anarchie, l’hebdomadaire des individualistes qui s’informe sur la Révolution mexicaine en lisant Le Libertaire, doute, lui, de la possibilité d’instaurer « la cité anarchique à coups de fusils » [12]. Côté socialiste, L’Humanité a suivi avec intérêt le mouvement révolutionnaire, mais elle fait quasiment le silence sur lui dès la signature de l’accord de paix entre Díaz et Madero. Aligné sur les positions du Parti socialiste américain, le quotidien de Jean Jaurès dénigre l’action des magonistes par la plume d’Antonio Fabra Rivas qui les qualifie d’« idéalistes » et d’« illuminés » [13]. Quant à La Guerre sociale, qui est de loin le plus important hebdomadaire à l’extrême gauche, elle n’évoque que très peu le Mexique.

Pour la FRC, qui considère que, « depuis le mouvement communaliste de 1871, le mouvement le plus important pour la classe ouvrière […] est bien l’insurrection prolétarienne mexicaine » [14], la cécité de la presse de gauche et d’extrême gauche est révélatrice d’une inconséquence coupable. À quoi riment toutes les proclamations anticapitalistes si, au moment où une révolution sociale éclate, chacun détourne les yeux ?

Controverse internationale

Cependant, au niveau international, plusieurs journaux anarchistes mettent également en doute l’activité du PLM et contestent le caractère communiste de la Révolution mexicaine. C’est La Cronaca sovversiva, un journal libertaire italophone des États-Unis, qui déclenche la polémique en publiant, en juillet, un reportage défavorable aux magonistes. Quelques militants italiens, qui ont visité Tijuana occupée par les forces libérales, en ont tiré la conclusion qu’il n’y avait là nulle révolution économique et sociale, mais uniquement une bande d’aventuriers et de cow-boys aux motivations douteuses.

Le Libertaire a vent de l’article et s’en indigne. Peut-être, ironise-t-il, ces messieurs s’imaginaient-ils trouver à Tijuana « une grande ville et une armée d’anarchistes les accueillant avec des hymnes anarchistes, et convaincus qu’il suffirait d’une semaine ou deux pour instaurer l’anarchie dans tout le Mexique » [15].

Peu après, La Cronaca publie une mise au point de son directeur, Luigi Galleani, qui affirme sa solidarité avec le PLM mais réitère ses doutes sur la possibilité d’une révolution communiste dans un pays arriéré comme le Mexique. Voilà bien « une conception d’intellectuel », lui rétorque Le Libertaire, « nous croyons, nous, que la meilleure éducation révolutionnaire se fait dans et par l’action de tous les jours » [16].

La polémique n’en reste pas là. Alors que deux autres journaux individualistes – Il Novatore,
aux États-Unis, et El Único, à
Panama – attaquent le PLM, en France même ce sont Les Temps nouveaux, qui prennent leurs distances. En septembre, cet hebdomadaire un peu pontifiant, animé par un Jean Grave vieillissant, publie une lettre d’un correspondants aux États-Unis affirmant qu’il est naïf de considérer « comme camarades quelques aventuriers agissant, les uns dans un but politique, les autres dans un intérêt tout à fait personnel ». Le courrier est assorti d’un commentaire acide de Jean Grave à l’encontre des « camarades de Los Angeles qui, sans doute, prennent leurs désirs pour des réalités » [17].

La semaine suivante, Le Libertaire contre-attaque : « Rappelons à Grave que tous les journaux anarchistes du monde entier – sauf deux, trois avec le sien – sont d’un avis contraire. Tous les principaux organes des pays
suivants : États-Unis, Brésil, Argentine, Cuba, Portugal, Italie, publient de longs comptes-rendus
[…] analogues à ceux que nous publions depuis quatre mois. » Et de citer notamment Mother Earth, L’Era nuova et Cultura proletaria [18].

Le « général » Jack Mosby (à g.) et son lieutenant Bert Laflin.
Mosby est un ancien militaire, militant IWW. Après la reddition des insurgés, il sera condamné
à une peine de prison.
Il sera abattu alors qu’il tentait de s’enfuir pendant son transfert.

Les semaines suivantes, la polémique enfle, avec la publication par Les Temps nouveaux de deux textes mettant sérieusement en doute le caractère communiste du conflit. Selon leur auteur, la configuration de la Basse-Californie ne laissait pas d’espoir de victoire. Et l’enthousiasme au sujet du « mouvement agraire » des Indiens mérite un sérieux bémol. De son point de vue, celui-ci n’a rien à voir avec le « véritable élément révolutionnaire » qui serait même « plutôt gêné par cet appoint indien qui semble, à première vue, grossir ses rangs ». Ce n’est pas des Indiens, écrit-il, que « surgira l’idée de progrès humain. Ils ignorent tout du monde moderne et ne peuvent être les pionniers d’une révolution sociale ». [19] Le Libertaire concède que la situation en Basse-Californie n’était « pas tenable », mais il réfute le jugement porté sur les Indiens [20].

Aristide Pratelle intervient alors. Lui qui, d’ordinaire, collabore aux Temps nouveaux, envoie au Libertaire une lettre de William C. Owen, le rédacteur de la page anglophone de Regeneración qui blâme l’« indifférence » manifestée par certains anarchistes à l’égard du PLM [21]. Ricardo Flores Magón écrit ensuite directement au Libertaire pour le remercier de son soutien quand « certains, qui se disent anarchistes […] cherchent toutes les occasions pour ridiculiser nos efforts, semer le doute et la méfiance entre camarades » [22].

Jean Grave ne lâche pas prise. Il publie le courrier d’un collaborateur de La Cronaca sovversiva, A. Cavalazzi, qui assure que « le Parti libéral mexicain n’a jamais été un parti libertaire », citant pour preuve son programme de… 1906. Et le militant d’estimer qu’il est des pays qui sont trop arriérés pour le socialisme, donnant en exemple la Russie, où la révolution de 1905 a échoué [23].

Le Libertaire réplique aussitôt en affirmant « en savoir autant » sur le Mexique que le « camarade italien fixé aux États-Unis ». Et cite à l’appui la longue étude d’Aristide Pratelle parue dans Le Réveil socialiste anarchiste de Genève [24], mais aussi le quotidien Le Petit Marseillais qui a consacré un long article au mouvement d’expropriation et accorde un rôle majeur au PLM. 

D’autres journaux, parmi lesquels La Bataille syndicaliste et l’hebdomadaire communiste libertaire Germinal, à Amiens, partagent le même avis [25]. « Nous espérons qu’après cela, le camarade Grave ne refusera pas plus longtemps de se rendre à l’évidence », conclue Le Libertaire [26].

C’est, semble-t-il, le cas. Après une période de silence sur la question, Les Temps nouveaux changent de braquet et publient, en février 1912, un courrier plein de bon sens de Fernando Tárrida del Mármol, autre « observateur » anarchiste international. Il y rend hommage au « mouvement socialiste, expropriateur, nettement libertaire, dont le général Emiliano Zapata est le bras […] et dont l’agitateur anarchiste Ricardo Flores Magón a été l’inspirateur et reste le cerveau ». S’il confirme que, malgré la défaite de Basse-Californie, le mouvement expropriateur se propage au Mexique, il invite cependant à la prudence vis-à-vis des informations tirées de la presse mexicaine. En effet, les exploits révolutionnaires sont systématiquement grossis par la presse réactionnaire qui veut mettre Madero en difficulté en donnant à « une bagarre les proportions d’un soulèvement populaire […]. Certaines de ces exagérations sont invariablement reproduites et commentées avec gusto par Magón dans son vaillant organe Regeneración. Sans doute on peut le lui reprocher, mais pas avec trop d’aigreur, car il faut faire la part du feu, ne pas oublier que Magón doit soutenir des polémiques très vives avec des journaux dont la tactique consiste à refroidir l’enthousiasme des émigrés ou des Américains favorables à la révolution, en leur affirmant qu’elle n’existe plus ». Tárrida del Marmol conclut que, pour dénigrer autant le PLM, le correspondant des Temps nouveaux aux États-Unis doit avoir été abusé [27].

Les Temps nouveaux semblent donc avoir rectifié leur jugement. Mais il n’en est rien. Deux semaines plus tard, Grave publie la lettre d’un autre correspondant aux États-Unis, R. Froment, qui persiste à dénigrer le PLM
et accuse Ricardo Flores Magón de faire croire que Zapata est libertaire [28].

Le Manifeste anarchiste-communiste du PLM, publié dans Le Libertaire le 30 mars 1912, aurait pu clore la polémique. Mais Jean Grave est décidément mauvais joueur. Bien qu’il en reconnaisse le caractère « entièrement anarchiste, d’un bout à l’autre », il persiste à
considérer ce manifeste comme « une pièce contradictoire de plus » à verser
au dossier. « Encore une fois, écrit-il, nous ne savons pas. Nous ne nous prononçons pas. » [29]

Pourtant, la controverse va vers son terme. William C. Owen, Ricardo et Enrique Flores Magón, exaspérés par la conduite de Grave, lui adressent un courrier saignant. Ils y dénoncent le « coup de
poignard »,
les « insinuations lâches », les « soupçons jetés » par son hebdomadaire. Les trois militants y répètent ce qu’ils ont
déjà « expliqué depuis longtemps et ad nauseam  » : oui, le PLM a évolué vers l’anarchisme depuis 1908 ; oui, il revendique sa sympathie pour Emiliano Zapata, qui est un « plus proche camarade que les révolutionnaires bavards des salons ». Jean Grave publie le texte mais ne bouge pas de sa position. Et ponctue la lettre
des militants mexicains d’une méchante pique : « Si, vraiment, le Mexique est en pleine lutte révolutionnaire, comment se fait-il que MM. Magón soient à je ne sais combien de centaines de kilomètres du théâtre de la lutte ? » [30]

Kropotkine intervient

C’est finalement la grande voix de Kropotkine, théoricien universellement respecté dans le mouvement anarchiste, qui met un terme au débat. De Londres, le vieux Russe explique que la Révolution mexicaine est incomprise des révolutionnaires parce qu’il s’agit d’une révolution agraire, avec ses caractéristiques propres. « Des plaines, des campagnes paisibles, se méfiant (et pour cause) des étrangers, et – de temps à autre – tantôt ici, tantôt à vingt lieues à l’est ou au sud ou au nord de ce point, à sept, huit jours de distance, un autre village chasse les exploiteurs et s’empare des terres. Puis, vingt, trente jours après, arrive un détachement des soldats “de l’ordre” ; il exécute les révoltés, brûle le village, et, au moment où il s’en retourne “victorieux”, il tombe dans une embuscade, d’où il n’échappe qu’en y laissant la moitié du détachement morts ou blessés. Voilà ce qu’est un mouvement paysan. Et il est évident que si des jeunes gens rêvant une campagne garibaldienne y sont arrivés, plein d’enthousiasme militaire, ils n’y ont trouvé que découragement. Ils y ont vite aperçu leur inutilité. […] Malheureusement, conclue Kropotkine, les neuf dixièmes […] des anarchistes ne conçoivent pas “la révolution” autrement que sous forme de combats sur les barricades, ou d’expéditions triomphales garibaldiennes. [31]  »

Cette fois, Jean Grave s’incline. Il remercie Kropotkine pour sa mise au point et présente ses excuses aux frères Magón, assurant qu’il aurait aimé avoir ces renseignements plus tôt. Il voulait seulement éviter à des camarades de s’embarquer dans une affaire « pas claire ». Désormais, Les Temps nouveaux changent vraiment de ton. Ils publient deux longs articles de Pratelle en faveur de la révolution mexicaine [32] et se montrent favorables aux zapatistes, soulignant même que Zapata « invoque souvent le nom de Pierre Kropotkine, qu’il admire » [33]. Regeneración salue l’évolution des Temps nouveaux.

La polémique est finie, mais l’intérêt pour la Révolution va peu à peu diminuer. Jusqu’à la fin 1912, Le Libertaire continue, presque seul, sa chronique des événements. En août, il dénonce la condamnation à deux ans de prison de Ricardo Flores Magón et de ses compagnons et reproduit une pétition, exigeant leur libération. En novembre, la pétition est publiée dans Les Temps nouveaux [34].

Avec le recul progressif du PLM de la scène mexicaine, les articles du Libertaire portent davantage sur les zapatistes, qui « paraissent être les seuls à conserver au mouvement son caractère de révolution sociale, bien qu’il soit à l’état latent un peu partout » [35]. Quand, durant l’année 1913, la révolution prend l’aspect d’une succession de luttes de factions pour le pouvoir, le suivi des événements s’espace.

En mars, la polémique connaît un dernier soubresaut avec la publication, dans Les Temps nouveaux, de deux articles hostiles au magonisme et au zapatisme. Magón y est présenté comme un orgueilleux vexé d’avoir été supplanté par Madero et profitant de l’argent envoyé du monde entier pour faire vivre Regeneración, un journal « stérile et incohérent » [36]. Quant aux zapatistes, avant de parvenir au « véritable communisme anarchiste », ils devront s’éduquer et suivre l’évolution des peuples européens [37]. Cette fois, Le Libertaire ne réagit pas. Il annonce, peu après, que sa chronique hebdomadaire, dont « nombre de camarades se sont fatigués […] à cause de sa durée et de sa monotonie » [38] s’interrompt. Désormais, la Révolution mexicaine ne sera plus évoqué que de loin en loin, jusqu’en 1914.

Pendant la Grande Guerre, Ce qu’il faut dire, journal pacifiste libertaire fondé par Sébastien Faure, publiera, entre mai et
septembre 1916, les analyses d’Octave Jahn, un militant français résidant au Mexique, alors en tournée de propagande pour la Maison de l’ouvrier mondiale, le premier foyer d’organisation anarcho-syndicaliste au Mexique. Mais en pleine bataille pour Verdun, les événements mexicains ne rencontrent plus guère d’écho. D’autant que, sous peu, une nouvelle révolution, à l’est cette fois, va attirer tous les regards.

Guillaume Davranche,
avec David Doillon

[1Pratelle, « Les révolutionnaires mexicains », Les Temps nouveaux, 12 septembre 1908.

[2Pratelle, « La Révolte des Mayas », Les Temps nouveaux, 26 novembre 1910.

[3« L’Intervention », Les Hommes du jour, 1er avril 1911.

[4E. Duté, « Quelle révolution ? », Le Libertaire, 8 avril 1911.

[5Les Temps nouveaux publient « Aux révolutionnaires et travailleurs du monde entier », paru dans dans Regeneración du 29 avril, et Le Libertaire publie le « Manifeste aux travailleurs du monde entier » publié dans Regeneración le 8 avril.

[6« Pour la Révolution mexicaine », Le Libertaire, 20 mai 1911.

[7Affiche de 90 x 126 cm.

[8Les Temps nouveaux, 19 août 1911.

[9« Au Mexique : la révolution en péril », Le Libertaire, 15 juillet 1911.

[10« Au Mexique : la révolution continue », Le Libertaire, 22 juillet 1911.

[11« Au Mexique : une heure historique », Le Libertaire, 19 août 1911.

[12L’Anarchie, 11 août 1911.

[13L’Humanité, 29 août 1911.

[14« Au Mexique : Le communisme ou
la mort ! », Le Libertaire, 2 sept. 1911.

[15« Au Mexique : Le communisme ou
la mort ! », Le Libertaire, 2 sept. 1911.

[16« Autour de la révolution »,
Le Libertaire, 9 septembre 1911.

[17Les Temps nouveaux, 23 sept. 1911.

[18« Au Mexique : pour le communisme », Le Libertaire, 30 septembre 1911.

[19E. Rist, « La situation au Mexique », Les Temps nouveaux, 30 septembre 1911.

[20« Au Mexique », Le Libertaire, 7 octobre 1911.

[21Idem.

[22R. Flores Magón, « La Révolution mexicaine », Le Libertaire, 28 octobre 1911.

[23Les Temps nouveaux, 18 novembre 1911.

[24« Au Mexique : chronique de la révolution », Le Libertaire, 25 novembre 1911.

[25« Le socialisme aux portes de Mexico », La Bataille syndicaliste, 27 novembre 1911.

[26« Au Mexique : tout le pays en révolte », Le Libertaire du 16 décembre 1911.

[27Del Marmol, « La Révolution mexicaine », Les Temps nouveaux, 2 février 1912.

[28R. Froment « Mexique », Les Temps nouveaux, 24 février 1912.

[29« Mexique », Les Temps nouveaux, 30 mars 1912.

[30« Sur le Mexique », Les Temps nouveaux, 20 avril 1912.

[31« Rectification », Les Temps nouveaux, 27 avril 1912.

[32A. Pratelle, « Causes et origines de la Révolution mexicaine », Les Temps nouveaux, 8 juin 1912, 15 juin 1912.

[33R. Froment, « Mexique », Les Temps nouveaux, 8 juin 1912.

[34« Une Protestation », Les Temps nouveaux, 9 novembre de 1912.

[35« La Révolution Mexicaine », Le Libertaire, 9 août 1913.

[36J. Humblot, « Les mouvements anarchistes au Mexique – Le magonisme »,
Les Temps nouveaux, 1er mars 1913.

[37J. Humblot, « Les mouvements anarchistes au Mexique – Le zapatisme », Les Temps nouveaux, 15 mars 1913.

[38« La Révolution mexicaine », Le Libertaire du 26 avril 1913.

 
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