Pleins feux

Les manifestations des mardi 2 et samedi 13...




Les manifestations des mardi 2 et samedi 13 juin initiées par le Comité Adama ont mobilisé 40 000 personnes, tout comme celle pour Lamine Dieng le 20 juin. Ce rapport de force est inédit, jamais une mobilisation contre les violences policières n’avait mobilisé autant. Maintenons le cap.

La mobilisation actuelle n’est pas seulement un écho à la situation américaine : elle avait débuté un peu plus tôt – aux yeux des médias au moins avec la polémique déclenchée par les propos de Camélia Jordana le 23 mai , mais avait en réalité répondu à la mort d’une douzaine de personnes en France à cause de la police durant le confinement, ainsi qu’à la diffusion de vidéos de violences et autres humiliations. La divulgation d’un enregistrement WhatsApp où des policiers de Rouen assument leur idéologie raciste et fasciste a enfoncé le clou ; l’État ne peut plus faire semblant ! Au lendemain du 2 juin, le discours commençait à changer, Castaner a annoncé des mesures. Mais provoquant l’ire des syndicats de police, il a rétropédalé : la clef d’étranglement n’est toujours pas interdite, et si elle devait l’être ce sera pour être remplacée par… le taser !).

Les mobilisations et dénis de justice ont été nombreux durant la décennie : Wissam el Yamni, Amadou Koumé, Babacar Gay, Angelo Garant, Gaye Camara… aboutissant à des classement sans suite, non-lieux, relaxes ou sursis… Le Comité Adama, qui poursuit la mobilisation depuis 2016, et dont les militantes et militants et la famille subissent une répression féroce, avec plusieurs procès contre Assa Traoré, et trois de ses frères en prisons, a fait la preuve que sa stratégie donne des résultats : interpellation et rapport de force vis à vis de la gauche, alliance avec les gilets jaunes, déplacements nombreux dans les quartiers et tissage de réseaux. Ils ont obtenu l’audition de deux témoins clés, réclamée depuis quatre ans, refusée jusqu’alors.

Avec l’ampleur de la mobilisation mondiale, SOS racisme tentera bien une récupération le mardi 9 juin mais ce sera un échec ; l’antiracisme moral est à bout de souffle ! Mais La réaction en face est violente : la police se mobilise à travers plusieurs rassemblements à l’Arc de triomphe, les réactionnaires sentant sûrement le vent tourner, s’agitent et crient leur haine sur tous les plateaux. Face aux diffamations médiatico-politiques, contre son frère, Assa a porté plainte conjointement contre Marion et Marine LePen, Jean-Jacque Bourdin et d’autres journalistes.

Installez l’appli UVP !

La bataille est aussi au quotidien. Comme pour George Floyd, c’est le fait d’avoir filmé le contrôle qui a permis la mise en cause de l’agent Chauvin. Le collectif Urgence notre police assassine (UNPA) a développé durant le confinement une appli pour diffuser rapidement les interventions policières violentes et rompre l’isolement : l’appli Urgence violences policières (UVP), qu’il faut faire connaître et diffuser. Les cas d’agression continuent, dernièrement, une campagne pour Gabriel, un jeune Rrom de 14 ans frappé par la police à Bondy, s’est également lancée.

Après les mobilisations des Gilets Jaunes l’année dernière, puis des retraites cet hiver, qui ont essuyé une répression inédite et suscité une prise de conscience de la domination policière par des populations traditionnellement épargnées, les populations des quartiers populaires se retrouvent désormais à nouveau en première ligne, 15 ans après les révoltes de 2005, même si c’est dans un isolement moindre qu’à l’époque - et il faut s’en réjouir ! Mais des barrières sont encore à faire tomber, les convergences ne seront possibles qu’en cessant de nier la spécificité de la dimension raciste, ce qui induit invisibilisation et rapports de subordination, car nous ne sommes pas tous égaux face à la violence policière. Il faut avancer dans cette voix afin de maintenir cette brèche ouverte.

Nicolas Pasadena (UCL Montreuil)

 
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