Géopolitique

Lire : Foutoyet, « Sarkozy ou la Françafrique décomplexée »




Le concept de « Françafrique » s’est tellement banalisé en géopolitique, qu’on a oublié qu’il avait été forgé par le regretté François-Xavier Vershave, décédé en 2005, et popularisé par l’association qui poursuit son œuvre, Survie. La Françafrique, c’est ce système de réseaux occultes, étatico-mafieux (gaullistes ou socialistes, parfois combinés), par lequel la république française continue de maintenir sous sa domination les pays décolonisés il y a presque cinquante ans.

Le schéma est simple : un dictateur milliardaire qui ne doit son pouvoir qu’à l’appui militaire et diplomatique de l’Élysée va signer tous les accords commerciaux dont la France a besoin pour piller les matières premières de son pays. Il s’appelle Omar Bongo au Gabon, Denis Sassou Nguesso au Congo, Idriss Déby au Tchad, François Bozizé en Centrafrique, Paul Biya au Cameroun, Faure Gnassingbé au Togo, etc. En revanche un chef d’État qui défierait la métropole courrait le risque d’être assassiné avec l’appui des services secrets français, comme le Togolais Sylvanus Olympio en 1963 ou le Burkinabè Thomas Sankara (le Chavez africain) en 1987.

Le petit livre réalisé par Samuël Foutoyet, militant de Survie, est un condensé des meilleures enquêtes publiées depuis quinze ans. Un outil de premier choix puisqu’en 153 pages et pour 4,5 euros, il brosse un schéma du fonctionnement de la Françafrique. Elle a son bras armé : les troupes françaises « prépositionnées » sur le continent, les troupes de pays vassaux (par exemple le Zaïre de Mobutu), le Commandement des opérations spéciales (COS) pour les interventions ciblées, parfois des mercenaires (les « barbouzes ») comme Bob Denard jadis ou Paul Barril. Elle a son bras logistique : Total (ex-TotalFinaElf), multinationale qui a salarié un certain nombre d’agents secrets sur le continent et constitue une véritable entreprise de diplomatie parallèle. Son bras monétaire : le franc CFA arrimé à l’euro et garanti par le Trésor public français. Elle a son bras diplomatique officiel, avec l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ou l’Aide publique au développement (APD). Et bien sûr son bras diplomatique secret, avec les « émissaires » porteurs de valises de billets. Sarkozy avait promis de les supprimer quand il était candidat. Il n’en a bien sûr rien été.

En janvier 2008, le secrétaire d’État socialiste à la Coopération, Jean-Marie Bockel, déclara à l’AFP vouloir « signer l’acte de décès » de la Françafrique. Omar Bongo demanda sa tête. Le 18 mars, Sarkozy lui retira la Coopération et l’envoya aux Anciens Combattants. On ne rigole pas avec la Françafrique.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

 Samuël Foutoyet, Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée, Tribord, 2009, 153 pages, 4,5 euros.

 
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