Echos d’Afrique : Mayotte en crise




De fin février à début avril, Mayotte était en crise  : grèves, blocages routiers et manifestations… Une crise sociale, économique et sécuritaire assez couverte médiatiquement, mais dont les racines néocoloniales restent largement passées
sous silence. Un petit retour historique s’impose pour comprendre le véritable piège néocolonial à l’œuvre dans cette île des Comores, devenue en 2011 le 101e département français. Au XIXe siècle, les quatre îles de l’archipel des Comores (Mayotte, Anjouan, Mohéli et la Grande Comore) sont colonisées par la France, et administrées depuis Madagascar. L’archipel possède une histoire, une langue (avec quelques variantes) et une culture commune.

Un référendum d’accession à l’indépendance est organisé en 1974. En violation du droit international, la France prend en compte le vote île par île et fracture l’unité territoriale, culturelle et historique des Comores. Elle reste présente à Mayotte qui a majoritairement voté contre l’indépendance, et confirmé par la suite sa volonté d’attachement à la France.

Ce résultat s’explique par l’influence conjuguée de lobbies créés et soutenus depuis Paris, et par l’influence des notables locaux qui tirent avantage à rester liés à la France.Malgré plus de 20 condamnations de l’Onu pour occupation illégale de territoire, la France maintien sa présence et organise l’adhésion massive des mahorais.es  : elle leur permet de jouir d’un niveau de vie supérieur à celui des Comores indépendantes, et d’autre part elle garantit le non développement comorien
par un néocolonialisme caricatural  : coups d’États, assassinats, mercenaires, soutien
aux mouvements séparatistes...

Les conditions de vie des Mahorais, bien que précaires, deviennent nettement supérieures à celles des îles alentours et provoquent des flux migratoires massifs et incontrôlables. Mayotte est ainsi aujourd’hui «  un îlot de pauvreté dans un océan de misère  ».

À cela s’ajoute le Visa Balladur en 1995, qui rend «  illégale  » la présence des Comoriens à Mayotte… et qui se traduit, avec le renforcement des contrôles aux frontières par une hécatombe de milliers de Comorien.nes noyé.es entre Anjouan et Mayotte. Malgré les contrôles et les expulsions en masse, le flux de comoriens considérés «  étrangers  » reste important  ; et ils représenteraient 40 % de la population de l’île aujourd’hui.

En 2011, la France a proposé aux Mahorais de devenir un département français, suscitant toujours plus d’espoirs, et interdisant tout retour en arrière dans le processus d’attachement de Mayotte à la France.

Outre les revendications légitimes d’égalité de droits avec la métropole, le mouvement social des mois passés à Mayotte a de forts relents xénophobes, désignant les Comoriens comme cause de tous les maux  : insécurité, administrations saturées et défaillantes, activité économique en berne.

Voilà encore un super résultat des pratiques colonialistes  : monter des pauvres contre des miséreux et les pousser à s’entretuer.

Noël Surgé (AL Carcassonne)

 
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