Antipatriarcat

Méthodes contraceptives : Stop aux spermatozoïdes ! À propos des contraceptions testiculaires




Alors que les femmes sont confrontées à des discours culpabilisants sur la gestion de leur fertilité, les hommes grandissent majoritairement en ignorant la thématique. Face à cette inégalité, voici quelques éléments de réflexion sur les contraceptions testiculaires, une des manières, parmis d’autres, de responsabiliser les hommes dans la gestion de la fertilité.

La contraception testiculaire [1] est un sujet qui, dans les milieux féministes, revient occasionnellement sur la table. Or, les contraceptions testiculaires ont une histoire longue et ancrée dans les milieux anarchistes, et l’essentiel des méthodes utilisées actuellement est en usage depuis parfois quelques dizaines, voire une centaine d’années. Mais lorsqu’il s’agit de prendre en charge les coûts et les contraintes de la contraception, les hommes ne se pressent pas au portillon, et les contraceptions testiculaires restent extrêmement marginales et sous-utilisées.

LA CONTRACEPTION, DE L’EUGÉNISME…

L’usage de la vasectomie à des fins contraceptives a débuté à la fin du XIXè siècle. À cette époque la contraception a été promue par les mouvements eugénistes et néomalthusiens. Elle était donc marquée par des rapports de classe très forts, l’objectif étant de limiter en particulier la reproduction des classes populaires [2].
Le développement des contraceptions va globalement être limité après la Première Guerre mondiale. La baisse de la natalité et la surmortalité liée à la guerre vont pousser à l’adoption de plusieurs lois répressives populationnistes dès 1918. En particulier la « loi scélérate » qui réprime la « propagande anticonceptionnelle et de l’incitation à l’avortement », adoptée en 1920, à laquelle va s’ajouter, en 1923, une loi qui correctionnalise l’avortement pour mieux le réprimer [3].

Anneaux péniens artisanaux. Le dispositif permet de remonter et maintenir les testicules dans les canaux inguinaux.
SAMUEL FLAMBARD

Bien évidemment, la répression visait avant tout les femmes, et en particulier l’avortement. Mais ces lois, en criminalisant toutes les formes de contraception, ont aussi empêché le développement de la vasectomie. En particulier, le procès dit des « stérilisés de Bordeaux » a mené à la condamnation du docteur autrichien N. Bartosek, pionnier dans la pratique de la vasectomie et ayant essentiellement exercé au sein des milieux libertaires.

… À L’ÉMANCIPATION DES FEMMES.

C’est à partir de 1967 que la loi de 1920 est abolie, notamment avec la loi Neuwirth, qui dépénalise l’accès à l’information et à la pratique de la contraception, sous la pression du mouvement féministe, et entraînant un développement des recherches médicales sur les méthodes contraceptives, se focalisant sur les contraceptions féminines. Ces méthodes ont été source d’une réelle émancipation des femmes, les libérant du contrôle des hommes quand il s’agissait de contrôler la survenue des grossesses.

Cette réalité n’est pas celle de la majorité des hommes qui peuvent aisément feindre d’ignorer les conséquences de la recherche de leur propre plaisir [4]. Dès lors, parler de contraceptions testiculaires, c’est questionner les privilèges masculins. Apparaît alors l’enjeu de la responsabilisation des hommes dans la construction de rapports égalitaires entre les classes de sexe. C’est notamment cette question que le groupe Ardecom (Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine) a tenté de saisir à bras le corps.

Mais ce militantisme contraceptif est malheureusement tombé dans l’oubli, et les méthodes qu’ils ont développées sont restées largement inconnues du grand public, ignorées du corps médical, et délaissées par la recherche scientifique. On peut toutefois noter quelques avancées légales, comme en 2001, la légalisation de la vasectomie.
De manière générale, l’oubli permanent dans lequel restent cantonnées les contraceptions testiculaires témoigne bien d’une chose : une classe sociale ne quitte pas une position de pouvoir par bonne volonté, conscience de l’inégalité, ou militantisme, même d’extrême gauche.

Les rares personnes qui commencent à s’intéresser à la contraception testiculaire trouvent souvent, au bout d’une ou deux heures de recherche, une bonne raison d’abandonner leurs bonnes intentions : le maintien du statu quo est souvent bien préférable au parcours du combattant. Pourtant, si les difficultés sont bien réelles, les méthodes de contraception sont nombreuses, efficaces et connues.
Les contraceptions thermiques visent à augmenter la température des testicules en les remontant dans les canaux inguinaux, entravant ainsi la spermatogénèse. Plusieurs outils peuvent être utilisés dans ce but : slip [5], jogstrap ou anneau.
La contraception hormonale existe aujourd’hui sous forme d’injections hebdomadaires d’énanthate de testostérone. La « pilule pour hommes », seul horizon qui semble envisageable dans les médias, existe, mais nécessite pour l’instant la prise d’un nombre important de pilules de manière quotidienne.
Enfin, la vasectomie vise à sectionner les canaux déférents (qui transportent les spermatozoïdes depuis les testicules à la prostate). C’est actuellement la méthode de contraception testiculaire la plus utilisée dans le monde. Pourtant, en France, seulement 1 % des hommes l’utilisent contre 20 % en Grande-Bretagne par exemple.

UNE CONTRAINTE POUR LES FEMMES

Les enjeux politiques des contraceptions testiculaires restent nombreux. Les études médicales manquent, les médecins sont très majoritairement peu informés, et les dispositifs rencontrent de grandes difficultés pour être homologués. Mais le principal frein au développement des contraceptions testiculaires est sans aucun doute un désintérêt des hommes pour des dispositifs qui leur ferait perdre leur insouciance. Pour plus d’infos, voir Garcon.link, le blog contraceptionthermique, le site de la CNT-AIT, et Pointpointpoint.org.
Alors, un mot pour la fin ? Camarades, utilisez enfin votre connaissance détaillée de qui a la plus grosse à des fins utiles : le diamètre de votre futur anneau contraceptif !

Albe et Doriane (UCL Haute-Savoie)

[1Nous choisissons d’employer le terme de contraception testiculaire et non de contraception masculine contrairement à l’usage courant. En effet, tous les hommes n’ont pas de testicules et toutes les personnes qui ont des testicules ne sont pas des hommes.

[2Voir notamment Opération vasectomie, Élodie Serna.

[3Voir Ne nous libérez pas, on s’en charge, B. Pavard, F. Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel.

[4À ce sujet, A. Dworkin dans son livre majeur Les Femmes de Droite analyse le rejet par certaines femmes du développement de la contraception et de l’avortement comme une manière de forcer les hommes à assumer leurs responsabilités, par le mariage et la prise en charge financière des enfants dont ils sont à l’origine.

[5Voir « Le remonte-couilles toulousain », sur le site de la revue Jef Klak.

 
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