Culture

Lire : Bruel, « L’aventure politique du livre jeunesse »




Malgré « l’inlassable travail des idéologies », les frilosités sociales, les évitements manifestes et les conformismes rentables à l’oeuvre dans les productions destinées à la jeunesse, au sujet de la famille, de l’école, du genre, de la sexualité, de l’économie, des discriminations, de l’écologie… Christian Bruel a relevé l’existence d’une production créative à la marge, plus en phase avec les enjeux individuels et collectifs, et en rend compte. Car « toute jeune existence devrait pouvoir compter sur ses lectures pour développer, à son rythme, de l’estime pour elle-même, un mieux-être immédiat, une jouissance esthétique et ludique, une intelligence sensible, sociale et politique du proche et du lointain. »

Concentration des entreprises éditoriales, frilosité des structures invitant des auteurs et autrices (et leur procurant d’indispensables revenus « accessoires »), crainte de mobilisations polémiques sur les réseaux sociaux, expliquent le « nivellement idéologique », « une autorégulation plus ou moins consciente tant chez celles et ceux qui créent qu’au sein des maisons d’édition qui n’apprécient pas toutes d’être vilipendées, fût-ce par des imbéciles ».

Il établi le constat que « le mot politique étant un répulsif puissant, l’association jeunesse et politique hérisse. Elle convoque aussitôt une légion de spectres : la propagande, la sournoise persuasion, l’embrigadement viral… » Aujourd’hui, « l’évitement des enjeux de la politique dans les publications jeunesse et un “enseignement moral et civique” programmé dans le secondaire concourent à la pérennisation de la démocratie représentative, système politique présenté comme idéal et sans alternative. » Aussi, lorsque les productions jeunesse prétendent aborder la politique, elles traitent avant tout et essentiellement des institutions de la Vè République  !

Pour autant, « engagés, les livres et journaux le sont tous, sans exception. Seuls certains sont militants. Toute l’offre de lecture est engagée. Engagée quand s’y trouve reconduit l’ordre “naturel” du monde en filigrane des images et du texte proposés. Engagée quant elle n’y consent pas. » Une profusion d’analyses d’ouvrages emblématiques accompagne tout du long son propos.
Un essai révélateur, tant la production jeunesse reflète la place qu’une société accorde à ses enfants. Un état des lieux qui fera date.

Ernest London (UCL Le Puy-en-Velay)

  • Christian Bruel, L’Aventure politique du livre jeunesse, La Fabrique éditions, 2022, 384 pages, 18 euros.
 
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