PMA : Une loi qui respecte l’ordre patriarcal




Filiation établie chez le notaire et présence réaffirmée d’un homme dans le processus. L’ouverture de la PMA aux couples de femmes reste sous la coupe du patriarcat.

La loi de bioéthique a été adoptée par l’Assemblée nationale le 15 octobre. Le Sénat l’examinera en janvier. L’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) est ouvert aux couples de femmes et aux femmes seules. L’assurance maladie prendra en charge le remboursement de la démarche comme pour les couples hétérosexuels. Le critère médical d’infertilité est donc supprimé. Dans le cas des couples hétéro, la PMA avec donneur anonyme (la forme de PMA qui va s’appliquer aux lesbiennes) ne guérit pas l’homme infertile, c’est un arrangement social pour pallier son infertilité, pas un traitement médical, même si la femme concernée subit de nombreuses manipulations médicales. Il n’y a aucune raison de ne pas appliquer cet arrangement aux couples de femmes.

Une filiation établie différemment

En cas de conception par PMA, les couples hétéros donnent leur consentement à un notaire. Dans leur cas, la maternité résulte de l’accouchement, la présomption de paternité résulte du mariage, ou d’une reconnaissance volontaire – comme pour une naissance sans aide. Pour les femmes et couples de femmes, ce sera différent. Le consentement devra également être donné à un notaire, ainsi qu’une reconnaissance de filiation conjointe anticipée. La reconnaissance conjointe est fournie à l’état-civil et inscrite dans l’acte de naissance qui fait donc état de la PMA. Le législateur a sans doute craint que sans cette mention à l’état-civil, on oublie qu’il faille des gamètes mâles pour faire un humain. Ou alors il fait une concession aux réactionnaires de tous poils en rechignant à l’égalité et en ne faisant pas rentrer les couples de femmes dans le droit commun. Les couples hétéros gardent le choix du silence sur le mode de conception de leur enfant, choix que n’ont de toute façon pas les femmes.

Il n’y a pas non plus de solution pour la deuxième filiation des enfants de couples lesbiens nées avant cette loi (tiers donneur en dehors du cadre médical, PMA à l’étranger). Ce serait pourtant l’occasion de remplacer les longues procédures d’adoption par des reconnaissances de maternité.

Une présence réaffirmée de l’homme

L’ouverture de la PMA aux femmes sans hommes va de pair avec la levée du secret sur l’identité des donneurs de sperme. Histoire de rétablir la présence de l’homme. Les enfants qui le souhaitent (à leur majorité) auront accès soit à des éléments anonymes non identifiants (santé…), soit à l’identité du donneur. En ce qui concerne les dons antérieurs à la loi, les donneurs ont la possibilité d’autoriser la révélation de leur identité. De plus, le donneur peut demander le nombre d’enfants conçues avec son ou ses dons, ainsi que leur sexe et leur année de naissance.

Ce n’est clairement pas assez pour le nouveau regroupement de réactionnaires, « Marchons Enfants », qui se bat pour la conservation de la présence d’un père dans toutes les procréations. Leurs argumentaires insistent sur le fait qu’une enfant a besoin d’un père et d’une mère, même si aucune étude ne prouve que les enfants n’ayant pas grandi dans cette configuration sont plus malheureux et malheureuses que les autres. Ils oublient aussi de nous parler des pères absents, pères violents, pères qui ne paient pas la pension alimentaire… aucune importance, il faut seulement que la présence symbolique reste, le patriarcat dans son essence.

Une obsession pour les origines génétiques

Le don affecté à une personne ou un couple reste interdit. Un homme ne peut faire un don de sperme pour un couple choisi. Une femme ne peut faire un don de gamète pour une PMA portée par sa compagne. Une femme trans en couple lesbien ne peut donner son sperme pour la PMA portée par sa compagne. Cet argument disparaît pourtant à partir du moment où l’anonymat du donneur est supprimé par la loi.

Toutes les personnes en capacité de porter un enfant ne sont pas concernées. Les hommes trans ayant gardé leur utérus et pouvant porter un enfant sont exclus de la loi s’ils changent leur état civil. Ceux qui enfantent sans aide médicale se retrouvent dans des situations d’état-civil inextricables. C’est sans doute le pas de trop pour une société et des politiques pas encore tout à fait adaptés aux nouveaux modes de vie, sexualité et genre. L’ouverture de la PMA s’inscrit dans le cadre plus large d’une loi sur la bioéthique. Des amendements ont été déposés pour interdire la mutilation sans nécessité de santé des enfants intersexes. Mais le seul amendement accepté, résultat de longues discussions, prévoit d’orienter les enfants nées avec une anatomie ambiguë vers des centres de référence. Aucune interdiction des mutilations n’a été posée.

La gestation pour autrui (GPA), pratique qui consiste à s’approprier le corps d’une femme reste interdite, espérons-le, pour toujours. La GPA, c’est un deal entre un couple riche et une femme pauvre. Les visions romantiques de partage égalitaire, d’amour et de don, où la mère porteuse reste en lien avec l’enfant qu’elle a porté sont… des visions. Un des arguments des anti-PMA pour toutes, concerne la légalisation de la GPA au nom de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il existe pourtant une différence entre torturer son propre corps pour avoir un enfant et exploiter celui de quelqu’une d’autre.

Christine (UCL Sarthe)

 
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