Congrès de l’UCL : une approche libertaire du syndicalisme de lutte




Aujourd’hui, même très affaibili, le syndicalisme reste un ­contre-pouvoir essentiel face à l’arbitraire patronal et aux visées capitalistes. Et potentiellement, demain, un acteur indispensable de la socialisation des moyens de production, nécessaire pour basculer dans une autre société, communiste et auto­gestionnaire. Comment le réarmer, l’étendre, lui faire embrasser le prolétariat dans toute sa diversité ? Ces questions sont ­revenues plusieurs fois dans les débats du Ier congrès de l’UCL. Ci-dessous, deux extraits des orientations adoptées.

L’outil syndical est le mode d’organisation privilégié des travailleuses et travailleurs, y compris privées d’emplois, précaires et étu­diantes, et notre outil de classe pour améliorer nos conditions de vie. Dans une perspective révolutionnaire anti-autoritaire, s’organiser pour pouvoir ­faire repartir la production (en énergie par exemple), les transports, les services (etc.) est indispensable pour le mouvement ouvrier au sens large.

Contre nous, nous avons la répression patronale et étatique de plus en plus féroce, mais aussi la résignation du plus grand nombre. Au sein des structures, les fonctionnements verticaux, autoritaires et bureaucratiques, les pièges de l’intégration et de la cogestion et ceux qui veulent faire du syndicat la courroie de transmission de leurs partis sont aussi une réalité et sont responsables historiquement de la division syndicale.

Il est nécessaire pour notre courant de travailler au développement syndical et de valoriser, au sein des structures syndicales : leur caractère de classe, l’ouverture et la solidarité avec les formes de lutte auto-organisées que se donnent les exploitées, la défiance envers les institutions et un rapport de force assumé contre celles-ci, l’importance des solidarités interprofessionnelles, du confédéralisme, la structuration adaptée aux nouvelles formes de l’organisation du travail, la prise en charge de tous les ­rapports d’oppression à l’œuvre dans les collectifs de travail.

Dans une perspective anticapitaliste et autogestionnaire, nous devons travailler à ce que les syndicats s’emparent des questions de société au-delà du seul champ du travail pour favoriser la rupture avec la répartition « au syndicat les revendications immédiates, aux partis le projet de société ». […]

Le syndicat doit être structurellement en capacité de syndiquer les précaires comme les travailleurs et travailleuses indépendantes victimes de l’exploitation.
Faire reculer la précarité, c’est affaiblir le pouvoir patronal. ­Cette préoccupation centrale est favorisée quand les précaires ­sortent de l’isolement, se syndiquent et militent, incarnant ainsi concrètement leur statut au sein des syndicats. [...]
Beaucoup d’activités sous-rémunérées et souvent précaires, sont effectuées par les personnes racisées, en particulier des femmes non blanches et/ou migrantes.

Les syndicalistes doivent ­lutter contre la division raciste et sexiste du travail et soutenir les outils qui permettront aux ­femmes et aux minorités de se ­défendre et de construire leurs revendications. La construction d’espaces non mixtes comme espaces d’expression, de partage et d’élaboration en fait partie. Seule la création de rapports de force spécifiques permettant la prise en compte effective des revendications élaborées dans ces espaces pourra nous con­duire à une amélioration de nos conditions de vie ici et maintenant.

Extrait de la motion « L’intervention des communistes libertaires dans le mouvement social : une vision globale
pour une stratégie globale »

Ces deux dernières années ont été marquées, en plus de luttes sectorielles, pendant quelques mois par la grève contre la réforme des retraites, intense moment de luttes de classes. La grève historique de 2019-2020 a permis de réaffirmer l’actualité de la grève de masse comme mode d’action central des travailleurs et des travailleuses de certains secteurs. Elle s’ajoute à des épisodes contestataires marqués par un recours privilégié aux manifestations et occupations de rue (« Nuit debout », « gilets jaunes »…) qui se sont largement déployées en dehors des lieux de travail, à partir d’autres fractions de la classe du travail.
Les limites éprouvées dans la généralisation et la reconduction de cette grève, notamment dans le privé, renvoient aux difficultés structurelles rencontrées par le syndicalisme aujourd’hui : des équipes syndicales moins nombreuses et moins formées, qui peinent à exister en dehors des « bastions » syndicaux de la fonction publique et des grandes entreprises, des outils interprofessionnels sous-investis, un syndicalisme de branche (adapté à l’éclatement et à la précarisation du salariat) à reconstruire, un répertoire d’actions peu diversifié, un syndicalisme d’accompagnement voire cogestionnaire qui se renforce…

Ce n’est donc pas, une nouvelle fois, l’absence d’un « appel à la grève générale » venu d’en haut qui serait responsable de l’apathie d’un trop grand nombre de travailleurs et de travailleuses, mais bien notre incapacité à les convaincre sur le terrain de se joindre à l’action et de participer à son auto-organisation. Ce rappel n’exonère pas de réfléchir et de critiquer les pratiques et les stratégies des directions ou des exécutifs syndicaux lorsqu’elles encouragent la bureaucratie, le corporatisme et le compromis social. Le renforcement du pôle syndical de collaboration de classe, incorrectement qualifié de «  réformiste  », est également une donnée à prendre en considération.

Pour toutes ces raisons, un sursaut du monde du travail n’a pas encore eu lieu face à l’État et au patronat qui veulent lui faire payer la crise économique née du Covid-19.
Des luttes syndicales, partielles et sectorielles, ont malgré tout permis d’obtenir de meilleures garanties de protection sanitaire au travail, une meilleure prise en charge du chômage partiel ou encore d’obtenir des indemnités plus élevées lors des plans de licenciements. Mais la coordination des luttes, dans le cadre de journées de grève interprofessionnelle ou d’actions unitaires contre les licenciements, n’a pas eu les effets escomptés.

Malgré ses insuffisances, l’outil syndical reste l’arme privilégiée par les travailleurs et les travailleuses pour défendre leurs intérêts. La tâche première des communistes libertaires est donc de reconstruire des outils syndicaux démocratiques, combatifs et ouverts à l’ensemble des questions écologiques, sociales (logement, transport, culture, énergie, alimentation…) et aux combats contre les discriminations (sexisme, racisme, LGBTI­phobie, etc.) à tous niveaux des organisations syndicales (section syndicale, syndicat, union locale, union départementale, fédération, confédération/union syndicale).

Il s’agit d’organiser les travailleuses et travailleurs quel que soit leur statut  : salariées stables, précaires, au chômage, en formation, à la retraite, «  faux indépendants  » et autres «  ubérisées  »... Ce sont des conditions indispensables à un syndicalisme de terrain et à des victoires sociales, petites et grandes.

À terme, les communistes libertaires entendent œuvrer, dans le respect de la démocratie syndicale et à leur échelle, à la réunification du mouvement syndical de classe et de lutte.

L’UCL continuera à valoriser les luttes syndicales et à favoriser l’engagement syndical de ses membres, dans le respect de la démocratie syndicale et pour y lutter contre une logique de fraction, afin de renforcer l’organisation collective des exploitées, condition de luttes offensives.

Extrait de la motion d’orientation générale de l’UCL

 
☰ Accès rapide
Retour en haut