Culture

Lire : Filice, « Mécano »




«  Mécano  »  : c’est l’abréviation de mécanicien, ou mécanicienne. Et c’est comme ça que s’appellent les personnes qui conduisent des trains. Car conduire un train, c’est avant tout maîtriser le fonctionnement technique de la locomotive du jour, et donc celui de plusieurs modèles.

Mattia Filice, franco-italien, est mécano. Il nous raconte avec ce livre sa vie professionnelle, depuis ses années de formation jusqu’au quotidien, en passant par des épisodes – très intéressants – de grèves.
Écrit tout en vers, le texte peut faire peur à première vue, mais c’est au contraire bien plus simple à lire. Celles et ceux qui connaissent retrouveront un peu du formidable A la ligne, du regretté Joseph Ponthus  [1].
Termes techniques, bouts d’italiens, abréviations inconnues, citations mais aussi jeux typographiques et néologismes ironiques  : la langue est poétique, souvent malicieuse, sans que jamais l’on soit perdue.
Plongée donc au cœur de «  L’Entreprise  », et avant tout rencontre avec les personnes qui la font tourner ; au fil des pages on se familiarise avec les collègues et leurs particularités  ; Geoffroy le malchanceux, Pablo le débrouillard, Kamal le dragueur, Gérard le maître-jedi. Les personnages féminins sont rares mais mis en valeur  : c’est la combativité d’Hidaya qui revigore les grévistes démoralisées un soir où la grève sera finalement reconduite suite à son discours.

La grève  ! Elle est abordée comme une épopée. Il y a d’abord les tergiversations du tout jeune employé, l’importance de l’expérience des anciens et des anciennes, et surtout l’ambiance des discussions entre collègues hors des rôles habituels, où l’on voit s’élever un vent d’audace et de liberté. Les revendications ne sont jamais révélées  ; ce qui est important, ce sont les nouveaux liens qui se créent, les imaginaires qui se débloquent.

Au soir d’une lutte infructueuse, Mattia Filice conclut  : «  Le pire des combats c’est celui qui n’a pas lieu  », et on est bien d’accord avec lui  !

Mélanie (UCL Grand Paris Sud)

  • Mattia Filice, Mécano, éditions POL, janvier 2023, 368 pages, 22 euros.

[1Joseph Ponthus, A la ligne. Feuillets d’usine, Folio, août 2020.

 
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