Les classiques de la subversion : Gaston Leval, « Espagne Libertaire, 1936-1939 »




Gaston Leval (Pierre Robert Piller), est né en 1895. Militant libertaire, il a été travailleur manuel, enseignant, photographe, journaliste en France, en Espagne et en Amérique latine.

Participant fervent à la révolution espagnole, il est très tôt conscient du rapport de force défavorable au camp antifasciste. Il entreprend alors de «  recueillir pour l’avenir les résultats de cette expérience unique  », étudie «  sur place, dans les villages collectivisés, dans les fabriques et les usines socialisées, l’œuvre constructive de la révolution espagnole  », basée sur l’autogestion et la démocratie directe.

Les réalisations de l’époque ne sont pas uniquement le résultat de tendances collectives spontanées. Elles ont aussi été
favorisées par la
réappropriation populaire des théories anarchistes, par la construction
d’un mouvement libertaire dès 1870  : groupes locaux, journaux, écoles, entraide, révoltes. Le million d’adhérents à la CNT en 1936 témoigne de la force du milieu libertaire espagnol, auprès duquel l’anarchisme français de l’époque paraît velléitaire et peu concret aux yeux de l’auteur.

Si bien qu’au moment du putsch franquiste, lorsque les institutions vacillent, ce sont les travailleurs libertaires, habitués à agir sans directives, qui sont à même de réorganiser efficacement la société dans l’urgence.

C’est à la fois sous la pression de la nécessité – approvisionnement, effort de guerre-, et d’aspirations populaires – partage égalitaire des richesses-, que se produit une reprise en main de la production et des échanges. On peut évoquer les communautés agraires en Aragon, l’industrie textile à Alcoy, la gestion de l’eau, du gaz, de l’électricité, des moyens de transport en Catalogne, «  socialisations  » dans lesquelles les syndicats prenaient une grande part. L’auteur rappelle l’attention portée à la formation, s’attarde particulièrement sur la réorganisation du système de santé. «  Les usines tournèrent, les ateliers, les fabriques produisirent sans patrons, sans capitalistes, sans actionnaires, sans haut personnel directorial  ».

L’expérience n’est pas pour autant exempte d’erreurs. Ainsi, dans les collectivités où la monnaie fut maintenue, on assista parfois plus à la construction d’un «  capitalisme autogéré  », qu’à celle d’une véritable société égalitaire. Et s’agissant des principes et de la tactique, Gaston Leval déplore la participation d’anarchistes aux gouvernements, et regrette que les liens entre syndicalistes de la CNT et de l’UGT n’aient pas été plus étroits. Il en retient aussi que lorsque système étatique et système autogestionnaire coexistent, le premier a tendance à phagocyter le second.

Patrick (AL Montpellier)

Gaston Leval, Espagne libertaire 1936-1939, Tops Eds H. Trinquier, 2013, 406 p., 23 euros.

 
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