Lire : Palahniuk, « Peste »




Chuck Palahniuk est surtout connu pour Fignt-Club. C’est injuste, car tous ses romans méritent vraiment d’être lus, comme le dernier, Peste.

Palahniuk a l’habitude de surprendre au niveau du style et de la construction du roman. Il innove encore une fois : Peste est rédigé sous la forme de témoignages croisés et entremélés. Le héros n’est déjà plus « vraiment » là, mais ceux et celles qui l’ont connu racontent sa vie. Les récits, les points de vue, les interprétations sont parfois contradictoires. Comme souvent avec Palahniuk, le lecteur se demande d’abord où l’auteur veut l’emmener. Puis les pièces s’enclenchent, et le tas d’éléments disparates qu’il avait posés devant nous prend forme, le puzzle s’assemble. Et on reste fasciné devant l’image d’ensemble.

L’inventivité et l’originalité de Palhaniuk ne cessent de surprendre et d’étonner. Dans quelles autres œuvres croiser un fils qui est son propre père (Peste), un collectionneur de cailloux accro au sexe (Choke), une reine de beauté sans mâchoire (Monstres invisibles), une voyante traversant l’Amérique dans des maisons sur camion (Survivant) ?

Certains thèmes reviennent au fil des romans. Le premier thème récurrent est la mort. Franchement, il faut l’avouer : Palahniuk est carrément morbide. Dans Survivant, il mettait en scène le dernier survivant d’une secte apocalyptique qui se tue dans un crash d’avion annoncé. Tout le roman n’est qu’une avancée vers la mort. Dans Monstres invisibles, la première et dernière scène sont un incendie au milieu duquel une mariée joue du fusil à pompe. La mort et la souffrance sont présentes à chaque page. Dans Berceuse, c’est un livre qui tue quand on le lit, et le roman est jonché de cadavres. Dans Choke, le héros gagne sa vie en mourant, ou plutôt en étant régulièrement à deux doigts de la mort.

Dans Peste, le héros est mort (ou pas…). Surtout, porteur de la rage, il a contaminé tout le monde autour de lui. Il sème la mort.

Tout ceci peut paraître sans queue ni tête. C’est qu’un roman de Palahniuk est impossible à résumer. Il n’y a pas d’autre choix que de se plonger dans l’univers douloureux, malsain et fascinant de Palahniuk pour découvrir ses oeuvres.

Et il faut s’en méfier, car l’accoutumance à cet univers déstabilisant est rapide. Or la dépendance et l’accoutumance constituent justement le deuxième thème récurrent dans l’œuvre de Palahniuk. Ses héros sont dépendants, drogués. La dépendance est à la fois la raison de vivre et ce qui la détruit. Dans Peste, le héros est accro aux poisons et aux maladies ! Dans Choke, Palahniuk traitait la dépendance au sexe ; dans Monstres invisibles de la dépendance aux médicaments ; dans Survivant, de la dépendance aux stéroïdes, aux produits de beauté et au paraître. Ces dépendances visibles ne sont que la partie émergée de l’iceberg, la face visible d’un monde un peu désespéré et desespérant.

Palahniuk est en général classé dans le rayon Romans policiers des librairies. C’est un choix un peu étonnant, car il n’y a pas d’enquête chez Palahniuk, ou bien d’un genre bien spécial, plutôt du genre enquête sur soi-même. Certes, c’est bien du roman noir. Mais avec Peste, par exemple, on est plus dans la science-fiction que dans le polar. En soi, la réflexion sur les paradoxes temporels et les voyages dans le temps en justifient la lecture par les fans du genre.

Laurent Scapin (AL 93)

• Chuck Palahinuk, Peste, 2008, Denoël. 22 euros

Du même auteur :

Survivant, 1999, Folio Policier

Monstres invisibles, 1999, Folio Policier

Choke, 2001, Folio Policier

Berceuse, 2002, Folio Policier.

 
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