Lire : Reverdy, « Il était une ville »




Les romans de Thomas B. Reverdy ont quelque chose d’onirique, pourtant ils se déroulent sur fond d’histoire contemporaine, à partir de situations documentées, et même parfois de personnages réels.

Dans L’Envers du monde, c’était la période post-11 septembre qui faisait le contexte de l’intrigue ; Les Évaporés se déroulait au Japon avant et pendant le tsunami et la destruction de la centrale de Fukushima qui lui fait suite. Dans Il était une ville, on se retrouve à Détroit, au moment de la crise de 2008.

Comme souvent dans les romans de Reverdy, le récit est construit à partir des histoires entrecroisées de quelques personnages, parfois liés d’ailleurs, mais c’est plutôt qu’on sent que leurs destins vont se répondre, ou même se croiser. On rencontre donc Eugène, un col-blanc qui se trouve « promu » à Détroit pour manager un gros projet automobile, pour le compte d’une « entreprise » dont on ne connaîtra pas le nom, mais dont la description teintée de futurisme contraste bien avec son inévitable destin.

Loin d’Eugène et de son coup de foudre pour Détroit, il y a Charlie, gamin d’un quartier particulièrement déserté de la ville, qui grandit avec sa grand-mère. Il y a le lieutenant Brown, qui commence à déceler un taux anormal de disparitions d’enfants. Et justement, Charlie lui aussi disparaît. Où il va, c’est ce que l’on va découvrir au fil du roman, l’histoire de cet enfant donnant lieu à des pages tantôt lumineuses tantôt inquiétantes.

Car même s’il ne s’agit pas là d’un enlèvement, la tension d’Il était une ville vers le roman noir est indéniable. Le suspense va avec. S’il n’y a pas toujours de policier, il y a toujours une enquête dans les romans de Reverdy, des enquêtes même, car les personnages sont en recherche, certains de leurs origines, d’autres d’une explication, d’un responsable. Le roman noir est présent aussi dans le thème de la disparition, comme ici celle de Charlie. Quelque chose pousse les personnages à « s’évanouir », à abandonner leurs proches, à se soustraire à leur propre vie pour entrer dans une autre, bien plus clandestine. Même des personnages qui ne fuguent pas, comme Eugène, peuvent d’ailleurs se retrouver dans cet entre-deux de l’existence qui semble tant fasciner l’auteur.

Tout ceci étant dit, on ne peut pas non plus présenter Il était une ville comme un polar. Et si le propos social est évident, comme dans les précédents romans de Reverdy, il s’accompagne d’une poésie du texte qui met le lecteur dans une toute autre ambiance [1]. Tout en restant très sobre, cette écriture travaille à suggérer des images, des sensations, faire entendre des voix. Le charme de ce roman en particulier tient peut-être aussi à quelques personnages solaires, et à l’art de vivre de tous les autres. On ne saurait dire à la fin du roman si c’est bien Détroit que l’on a vu, mais tous ceci existe, Reverdy l’a raconté.

Mouchette (AL Paris Nord-Est)

  • Thomas B. Reverdy, Il était une ville, Flammarion, 2015, 272 p., 19 euros.

[1Reverdy est entré en écriture avec des recueils de poésie, et cela se sent encore. Nous ne lui avons trouvé aucun lien avec le poète Pierre Reverdy.

 
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