Culture

Lire : Wu Ming 1, « Q comme complot »




Alerté par les similitudes entre Q, L’oeil de Carafa, roman auquel il a collaboré au sein du collectif Luther Blisset Project, et la nébuleuse conspirationniste QAnon, Wu Ming 1 se retrouve confronté à un effroyable fatras.

Non seulement il propose une impressionnante analyse de nombreux fantasmes, souvent liés entre eux, retrace leur généalogie, mais il fournit aussi une boîte à outils de concepts clairs pour lutter contre les narrations toxiques qui alimentent le délire paranoïaque ambiant, à l’heure où les réseaux sociaux amplifient considérablement ces phénomènes.

Contestant l’utilisation de l’expression « théorie du complot » parce qu’elle conduit à discréditer la moindre dénonciation, il propose le concept d’« hypothèses de complot » pour désigner les « complots réels » caractérisés par : un but facilement résumable, un nombre d’acteurs limités, une mise en pratique imparfaite, une dénonciation inévitable, une compréhension liée à la description de l’époque précise où il se situe. Il les distingue des « fantasmes de complot » qui concernent des conspirations universelles, un but global, des dénonciations constantes, une continuité pendant des décennies voir des siècles. Il qualifie le mécanisme de défense psychologique auquel succombent les « croyants » de « narrations de diversion » : projeter son malaise sur un présumé ennemi occulte est plus confortable que de comprendre et de remettre en question les rapports sociaux, les inégalités structurelles, les concentrations de richesse, le fonctionnement du marché du travail. « Pour utiliser une métaphore d’électricien, le conspirationnisme était la prise de terre du capitalisme : il évacuait la tension vers le bas et empêchait que les personnages soient foudroyés par la conscience que le système devait être débranché. ».

Indispensable !

Ernest London (UCL Le-Puy-en-Velay)

  • Wu Ming 1, Q comme complot. Comment les fantasmes du complot défendent le système, Lux, 2022, 576 pages, 29 euros.
 
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