En France comme aux Antilles : Se rassembler pour gagner !




Après le 29 janvier et le 19 mars, on nous annonce une mobilisation monstre le 1er mai. Ce n’est pas ainsi qu’on va faire plier un gouvernement pourtant plus très « droit dans ses bottes ». Le modèle antillais gagnera-t-il enfin l’Hexagone ?

Avec trois millions de travailleuses et travailleurs dans la rue et bien davantage en grève, la journée du 19 mars a constitué un succès encore plus éclatant que celle du 29 janvier avec une participation accrue des salarié-e-s du secteur privé. Mais ce fut également une bien curieuse journée puisqu’elle n’avait pas d’objectif clair.

Les cortèges de la CGT étaient les plus importants. Pour autant, ceux de Solidaires étaient bien plus massifs que d’habitude. Cette organisation a réussi à mobiliser ses militantes et militants, mais est également parvenue à ce que seule la CGT sait bien faire habituellement : impliquer adhérentes et sympathisants. C’est une reconnaissance de Solidaires comme l’une des organisations syndicales des plus combatives. Cela doit lui donner confiance pour proposer des initiatives permettant aux équipes syndicales les plus motivées, quelle que soit leur organisation, de converger et de construire une riposte à la hauteur des coups portés par l’État et le Medef.

Mais comme cela était prévisible, les organisations syndicales majoritaires ont décidé une nouvelle fois de temporiser, d’éviter de préciser les revendications plutôt que d’accroître la pression. L’impatience point tout de même chez les travailleurs et travailleuses mais aussi chez les étudiantes et étudiants remontés avec les enseignants chercheurs contre la casse de l’université et la LRU. Et l’impatience se double d’incompréhension quand ils et elles voient qu’aux Antilles la lutte paie.

Mépris et provocations

Beaucoup d’éléments militent pour donner des suites à ces journées d’action. Le premier, c’est l’aggravation des conditions de vie de toutes et tous, parce que le gouvernement et le patronat poursuivent leur politique de hold-up social de plus en plus insupportable. Il est du reste surprenant que les salarié-e-s, les syndicats de lutte et les organisations de la gauche radicale ne mettent pas plus le doigt sur les détournements de fonds auxquels se livrent les classes dominantes.

Les chiffres sont pourtant éloquents : 20 à 40 milliards d’exonération de cotisations sociales échappent chaque année aux caisses de la Sécu, mettant à mal le système de soins, les retraites et les aides aux familles. Les réductions d’impôts évitent aux plus riches de payer 50 milliards d’euros. Ce à quoi s’ajoutent les 15 milliards économisés avec le bouclier fiscal. Enfin, restent les 73 milliards d’euros de fraude fiscale par an, due pour 90 % aux agissements des dirigeants d’entreprises puisqu’elle porte pour l’essentiel sur la TVA. Au total, 150 milliards environ passent chaque année des poches des travailleuses et travailleurs aux capitalistes, car ce que les derniers fraudent, les autres le payent. Sachant qu’en plus, une partie non négligeable des impôts collectés ne bénéficie pas à la collectivité mais aux intérêts d’une minorité (écoles privées, aides financières aux entreprises qui restructurent et licencient…). Dans ces conditions, et alors que pratiquement toutes les mesures sont destinées aux banquiers et aux grandes entreprises, comment Fillon peut-il oser dire qu’il a donné suffisamment d’argent pour répondre aux attentes de la population ?

Ensuite, croire que Sarkozy et le patronat vont s’arrêter là, c’est faire preuve d’une remarquable naïveté. Ce qui se passe en Irlande, où leurs homologues s’entendent pour baisser les salaires, ou en Catalogne, où Volkswagen a fait de même avec l’appui de l’UGT (équivalent de la CFDT) doit faire réfléchir. Autrement dit reculer un peu, c’est capituler beaucoup.

Un autre élément joue en faveur d’une radicalisation : face au mépris et aux provocations constantes des classes dominantes, les manifs qui servent à canaliser la colère des travailleurs (pour reprendre l’expression de Chérèque et de certains éditorialistes le 19 mars), cela suffit ! Certes le pouvoir et ses médias parient sur la peur face au développement massif des licenciements (150 000 pour janvier et février) pour contenir le mécontentement. Aussi la question qui doit nous obséder est : comment faire pour gagner ?

Bloquer la rémunération du capital

Pour se mobiliser, il faut des revendications précises et ciblées sur tous les aspects de la vie sociale : les salaires (augmentation de 300 euros pour tous, le Smic à 1 500 euros net tout de suite), le logement (blocage des loyers, réquisition des logements vides, construction de logements sociaux), les prix (baisse sur tous les produits de première nécessité, mais aussi des transports et de l’énergie), l’emploi (semaine de 32 heures sans baisse de salaire, avec embauches correspondantes et sans intensification du travail, droit de veto des travailleurs sur les licenciements).

En Guadeloupe, cette option offensive a permis de satisfaire 170 revendications.

Il faut combiner ces mesures indispensables d’urgence avec des mesures de rupture avec le capitalisme, qui nous entraîne vers une issue catastrophique. Il faut bloquer la rémunération du capital au profit du seul travail en vue de l’exproprier demain. Pas un sou ne doit aller au capital, qui plus est quand l’emploi est menacé. De même il faut réquisitionner les entreprises qui licencient.

L’autre clef pour une victoire, c’est une stratégie fondée sur l’organisation des travailleurs et de la jeunesse, sur la convergence des luttes et l’unité au-delà des intérêts propres des organisations.

C’est pourquoi Alternative libertaire appelle à mettre en place des collectifs de lutte interprofessionnels associant syndicats, associations de lutte, ainsi que l’ensemble de la population (travailleurs, retraité-e-s, chômeuses et chômeurs, jeunesse scolarisée), avec le soutien actif des organisations politiques. Le but de ces collectifs unitaires est de construire un mouvement d’ensemble qui passe par la grève générale, des actions de blocage et occupations d’entreprises, la solidarité par des caisses de grève et la réquisition-redistribution de biens de consommation. Il s’agit d’imposer une plate-forme revendicative pour rompre avec l’exploitation et les discriminations, et de jeter les bases d’une nouvelle organisation de la société qui pour nous sera nécessairement autogestionnaire.

C’est maintenant qu’il faut les impulser. Pas dans un, trois ou six mois, en laissant les capitalistes et l’État détruire des centaines de milliers d’emplois et plusieurs services publics.

Laurent Esquerre (AL Paris nord est)


<titre|titre=Pas d’unité sans contenu>

Les journées de mobilisation sociale des 29 janvier et 19 mars ont donnée lieu à deux déclarations unitaires des forces politiques apportant leur soutien aux grèves. Le premier texte, le 29 janvier a été signé par Alternative libertaire, aux côtés notamment du NPA, des Alternatifs, du PCF et du Parti de Gauche. Bien que limité, cet appel permettait l’expression d’exigences cruciales pour les salariés (parmi lesquelles l’ « annulation du paquet fiscal » , le « maintien de l’intégralité des revenus et des droits des salariés mis au chômage technique » , le « droit de veto suspensif des salarié-e-s sur les licenciements » ou les « reprises autogestionnaires d’entreprises » …). En revanche, AL n’a pas signé le second texte pour le 19 mars, puisque, à l’exception d’AL, toutes les forces parties prenantes de cette dynamique ont souhaité faire disparaître l’essentiel des revendications offensives pour permettre au Parti socialiste de s’inscrire dans ce cadre.

Néanmoins, dans certains départements (Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire), AL a participé à des appels unitaires sur des bases plus offensives (et sans le PS).

Édith Soboul (SF d’AL)

 
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