Mouvement féministe : Cinq années de division




Depuis 2004, les débats et questions posés à la suite de la loi d’interdiction du foulard à l’école entraînent des divisions entre différentes composantes du mouvement féministe. Des clivages qui persistent aujourd’hui.

Le 7 mars, deux collectifs féministes ont organisé chacun une manifestation (voir page suivante). L’implication d’AL, notamment, a permis que les horaires soient successifs et que celles et ceux qui le souhaitent puissent ainsi participer aux deux. Mais pourquoi cette division ?

En février 2004 a été votée la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école, loi dont la seule application a été l’interdiction du port du foulard islamique. Fin 2004 a eu lieu l’exclusion très médiatisée de deux jeunes filles de leur lycée de Seine-Saint-Denis.

Des positions divergentes

Le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF, dont AL est membre) s’est positionné contre la loi, parce qu’elle ne traite aucun problème social et parce que le collectif ne souhaite pas cautionner la politique gouvernementale de détournement de l’opinion loin des vrais enjeux. Mais il a aussi toujours considéré le voile comme un signe d’oppression des femmes, comme tout élément imposé par une religion. Le CNDF représente l’héritage féministe « traditionnel », rebelle aux pouvoirs en place et antireligieux et sa position est « ni loi, ni voile » (ce qui est également la position d’AL), en se battant pour une réforme du système social dans son entier.

Universalisme laïc

Mais pour certaines féministes, le voile mettrait les institutions républicaines en danger et il faut renforcer l’universalisme laïc. C’est la ligne de Ni putes, ni soumises (née en mars 2003) et de la revue Prochoix (de Caroline Fourest, qui écrit maintenant dans Charlie Hebdo) fondée en 1990 pour défendre, entre autres, le droit à l’avortement et spécialisée ensuite dans les questions d’intégrisme religieux.

Enfin, pour d’autres, dont Christine Delphy, on ne peut traiter l’islam, religion minoritaire des populations immigrées discriminées, comme le catholicisme. Et le voile n’est pas une manipulation des groupes intégristes. Le collectif Une école pour toutes (CEPT) s’est créé pour exiger l’abrogation de la loi sur les signes religieux à l’école. Y participent des militant-e-s de gauche et d’extrême gauche et des associations musulmanes.

Quelques mois plus tard est créé le Collectif féministe pour l’égalité (CFPE), regroupant des féministes « historiques » dont Delphy, des animatrices du mouvement social et des responsables associatives musulmanes voilées ou non. Pour ces deux organisations, la loi sur le voile est sexiste (ne s’en prend qu’aux femmes) et raciste (ne s’en prend qu’à l’islam). Le féminisme doit réfléchir à sa place dans l’histoire coloniale, il faut y introduire la pluralité des stratégies d’émancipation et le respect des croyances religieuses.

En mars 2004, Ni putes ni soumises se retira au dernier moment de la manifestation unitaire qui ne défendait pas assez la laïcité à ses yeux et manifesta de son côté. En février 2005, Une école pour toutes signa l’appel unitaire du 8 mars. Le Mouvement français pour le planning familial (MFPF, membre important du CNDF) se désolidarisa alors et organisa avec Ni putes ni soumises une deuxième manif, en défense de la laïcité. Une école pour toutes, qui s’était retiré devant le grand nombre de protestations, rejoint la manif du CNDF. Dans son cortège, une vingtaine de jeunes filles voilées réclamaient la liberté de se voiler. De nombreuses féministes quittèrent la manifestation en signe de protestation. Le drame était consommé, les divisions se creusèrent. Une autre revendication a été portée de façon surprenante (mais minoritaire) au coeur de cette manifestation de 2005 : celle de la reconnaissance de la prostitution comme un métier comme les autres. Elle passa inaperçue mais depuis a crû et embelli.

Christine (AL Orne)

 
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