Intercommunalité : Un contrôle démocratique inexisant




Avec la réforme des territoires, Sarkozy ouvre tambour battant un nouveau chantier, dont l’un des axes est le renforcement de l’intercommunalité. Au-delà des effets d’annonce, ces évolutions vont dans le sens d’un appauvrissement des collectivités locales et d’une opacité croissante de leur gestion.

Les établissements intercommunaux à fiscalité propre se sont développés dans le cadre de la loi Chevènement de 1999 : c’est dans ces structures que sont dorénavant gérées de nombreuses politiques locales et d’importantes recettes fiscales, cela bien sûr à l’écart des premiers concernés, habitantes et habitants de ces territoires. Pour promouvoir ces structures, les gouvernements successifs ont avancé la nécessité d’une adaptation du système politique local, pour réduire les écarts fiscaux entre communes ou pour gérer l’aménagement ou les transports à des échelles mieux adaptées que les frontières communales.

Des structures sur mesure pour les maires

Mais, pour que les élus locaux s’engagent dans ces structures, l’État a pris soin de préserver les intérêts des maires, attachés à défendre leurs positions de contrôle des ressources municipales. Ainsi, les communautés de communes, communautés d’agglomération et communautés urbaines sont régies par des règles complexes et parfois optionnelles, qui offrent aux maires d’importantes marges de manœuvre. À coup également d’importantes dotations financières, l’État a organisé la montée en puissance de ces structures, qui, en ne se substituant pas complètement aux communes, permettent de maintenir certaines prérogatives dans les mains des maires.

Surtout, les associations d’élus locaux ont maintes fois refusé que les présidents intercommunaux soient élus au suffrage « universel » direct : les maires, pourtant très attachés à se prévaloir de la légitimité de l’élection, ne s’embarrassent pas de celle-ci lorsqu’il s’agit de siéger dans des structures qui gèrent, à l’écart de toute publicité, des politiques locales telles que l’aménagement, l’habitat ou les transports. De plus, la constitution des regroupements intercommunaux répond plus souvent à des alliances ou concurrences entre élus qu’à des problèmes concrets. Par ailleurs, sur le plan des inégalités fiscales entre communes, les apports de l’intercommunalité sont tout à fait restreints : le mécanisme de la taxe professionnelle unique ne réduit qu’à la marge les inégalités, qu’il contribue même à l’inverse pour une part à « fossiliser ». Sans compter que la mise en commun tout à fait partielle de la fiscalité locale ne joue qu’à l’intérieur des périmètres intercommunaux, ce qui est bien insuffisant pour contrer les inégalités entre territoires !

Au final, l’intercommunalité offre des possibilités de cumul des mandats, renforce la professionnalisation d’une partie de la classe politique, en même temps qu’elle complexifie la gestion locale, ce qui vient contrecarrer dans les faits la bonne volonté des élus à mettre en place des dispositifs dits « participatifs » !

Nouveau chambardement et vieilles recettes

L’histoire de l’intercommunalité montre ainsi comment des lois successives ont organisé l’apparition d’un nouvel échelon politique local, avant que le gouvernement ne dénonce aujourd’hui l’empilement de ces mêmes échelons, ce qui lui permettra de réduire les moyens accordés aux services socialement utiles à la population ! Car on sait que le discours de la rationalisation et de la modernisation renvoie au contraire à la volonté de diminuer les dépenses publiques.

Comment les cartes vont-elles être redistribuées ? On le saura à l’été, mais d’ores et déjà, Sarkozy ménage les maires, en annonçant que les délégués intercommunaux ne seront pas élus au suffrage direct [1]. Par contre, des coupes sombres sont à attendre de la suppression de la taxe professionnelle (TP), nouveau cadeau aux industriels, qui représentait environ 28 milliards d’euros ces dernières années, dans le budget des collectivités territoriales, et non simplement les 8 milliards des annonces fantaisistes du président. Le manque à gagner de la TP (44 % environ de la fiscalité directe des collectivités), va entraîner des hausses de la taxe d’habitation, qui repose sur les ménages et qui bien entendu n’est pas un impôt progressif !

Violaine Bertho (AL 93)

[11. Le Monde du 06/03/09.

 
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