Antipatriarcat

Casse sociale : Prendre aux (femmes) pauvres pour donner aux (hommes) riches




Les réformes antisociales touchent d’abord les femmes. Quand c’est dur, c’est pire pour elles  : conditions de travail et de revenus catastrophiques pour les femmes d’en-bas, massacre des services publics nuisant aux femmes. L’argent économisé sur leurs dos va aux actionnaires.

La réforme des retraites est reportée, la patate chaude est refilée au prochain mandat présidentiel. Allongement de la vie au boulot et baisse des pensions seront au programme. Mais une mesure prévue est à arracher : la garantie d’une retraite minimum, garantie particulièrement utile aux femmes dont les pensions sont inférieures à celle des hommes.

En 2019, elles l’étaient de 40 %, 28 % « seulement » avec la réversion. La réversion est le mécanisme qui permet à une personne veuve de percevoir une partie de la retraite du/de la conjointe décédée. Comme les hommes épousent des femmes plus jeunes et meurent plus tôt, ce mécanisme profite surtout aux femmes.

Si les retraites des femmes sont plus faibles que celles des hommes, c’est parce que leurs salaires sont en moyenne plus faibles : temps partiels imposés, regroupement dans les familles de métiers parmi les plus utiles mais les moins payés, interruptions de carrière, plafond de verre qui les confine dans le bas des hiérarchies et donc des salaires.

Exigeons un minimum garanti maximum

Aujourd’hui le minimum garanti de retraite de base pour une personne arrivée au taux plein est d’environ 700 euros, proportionnelle au nombre de trimestres validés. L’idée de la réforme est de porter ce montant à 1 000 euros en 2022, toujours pour une retraite acquise complètement et seulement pour les personnes nouvellement retraitées.

Pour être une mesure de réel progrès pour tous et toutes, il faudra que le minimum soit garanti pour les carrières incomplètes et à un niveau bien supérieur aux 1 000 euros annoncés. Les personnes touchant l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ancien minimum vieillesse) qui garantit moins de 910 euros par mois pour une personne et 1 400 pour un couple devraient être incluses dans cette mesure, sans prise en compte des revenus familiaux.

Il s’agit là encore d’un minimum à déconjugaliser comme l’allocation adulte handicapée ou le revenu de solidarité active.

La réforme du chômage s’applique dès maintenant. A partir du 1er octobre, les personnes alternant contrats courts et périodes de chômage verront leurs allocations baisser de façon importante. Il est des politiques et des technocrates qui semblent croire que cette mesure va inciter les chômeurs et chômeuses à retourner au boulot, comme si la majorité d’entre elles et eux faisaient le choix du chômage. Les jours d’inactivité seront pris en compte dans le calcul, pas seulement les jours travaillés.

Les femmes seront les plus touchées  : aujourd’hui 56 % des personnes au chômage en catégories B et C (en activité réduite mais en recherche de plus d’heures) sont des femmes. Cette réforme est tellement inadmissible que le gouvernement a dû ajouter une limitation de la baisse à 43 %.

Ces dernières années, l’accélération de la casse des protections sociales a rendu visibles des revendications féministes au sein du mouvement social
cc Photothèque du mouvement social

Des services publics maltraitants

Le but réel des deux réformes est bien sûr de faire baisser le montant total des allocations versées aux personnes laissées sans emploi par le capitalisme. Il s’agit encore de faire des économies sur le salaire différé que sont les cotisations patronales, cotisations qui baissent depuis des années.

Moins de dépenses pour les entreprises, c’est plus de revenus pour les actionnaires. Et cela fournit un supplément de main-d’œuvre docile, la perspective de se retrouver sans revenu ou avec un revenu très faible conduisant forcément à accepter des boulots qui auraient été légitimement refusés autrement.

Les salaires des métiers majoritairement féminins restent faibles, les conditions de travail mauvaises et le mépris pour celles qui les exercent grand. Les aides à domicile ont fait grève fin septembre pour une meilleure reconnaissance et un meilleur salaire, comme les femmes de ménage sous-traitées de l’université de Jussieu à Paris.

Les femmes de chambre sous-traitées des hôtels ont plusieurs fois organisé des grèves de plusieurs mois. Les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles ont tenu vingt-deux mois de lutte (dont huit de grève) et obtenu de leur employeur, un sous-traitant du groupe Accor, tout ce qu’elles demandaient  : baisse des cadences, panier repas, tenues de travail, vestiaire inclus dans le temps de travail et meilleur salaire. Cet exemple est encourageant parce qu’il s’agissait là d’une lutte des plus discriminées  : femmes, noires, en bas des échelles professionnelles. La lutte obstinée paie.

Malgré les augmentations de salaire prévues par le Ségur de la santé de juillet 2020, les soignantes continuent à souffrir des conditions de pression et de sous-effectifs des hôpitaux publics et des Ehpad, du manque de temps et des plannings instables. Les premières vagues du Covid passées, le pouvoir recommence à considérer le système de santé comme un coût et pas comme un service public à rendre à toute la population dans les mêmes conditions de confort et d’excellence.

Les enseignants, qui sont à une grande majorité des enseignantes, ont le ministre le plus maltraitant du gouvernement (et c’est une compétition difficile à gagner). Leur ministre imagine toujours qu’elles peuvent enseigner deux fois, une fois en établissement, une fois à distance, sans matériel, sans outils, en « démerdentiel ». L’enseignement, comme l’hôpital, fonctionne grâce au dévouement des premières de corvée.

La stratégie est connue  : casser un service public pour que les usagers et usagères deviennent clientes de ses remplaçants privés et engraissent des actionnaires. Or un service public, c’est doublement utile pour les femmes, et donc doublement une catastrophe quand il est attaqué.

Ce sont en majorité des femmes qui bossent dans l’éducation et à l’hôpital (et dans toutes les administrations que le pouvoir dégraisse). Ce sont en majorité des femmes qui les utilisent car ce sont elles qui s’occupent des malades, des personnes âgées et des enfants quand les services publics ne font plus le boulot, ce sont elles qui se déplacent et font la queue dans les bureaux encore accessibles.

Les luttes féministes complètent et participent de la lutte des classes, syndicale ou révolutionnaire, qui est parfois aveugle aux spécificités des conditions faites aux femmes et à leurs besoins. Les femmes sont une grande force quand elles sont mobilisées.

Christine (UCL Sarthe)

 
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