Antifascisme

Zemmour, un ultralibéral en brun




Zemmour a pris du grade. Hier trublion télévisuel plusieurs fois condamné pour provocation à la discrimination ou à la haine, il se verrait bien aujourd’hui calife à la place de Marine. Si les sondages ne le portent pas encore au niveau de la candidate du RN (ex-FN), ses partisans s’activent en coulisse et dans la rue pour qu’il se porte enfin candidat. Portrait du postulant au titre de premier fasciste de France.

À la différence de nombre de commentateurs réacs qui s’auto-qualifient d’«  anti-système  », Zemmour ne passe pas son temps dans les médias à regretter d’y être ostracisé. Non, Zemmour est un enfant du système, il aime les médias et ils le lui rendent bien. Son explosion médiatique il la doit même au service public  !

C’est en effet sur France 2 qu’il accède à la notoriété en participant à l’émission On n’est pas couché de Laurent Ruquier qui lui offrira durant cinq ans, de 2006 à 2011, une visibilité inespérée. Cinq années durant lesquelles Zemmour pourra, dans le cadre d’une émission de divertissement et sans réelle contradiction, déverser une parole raciste, sexiste, homophobe, négationniste totalement décomplexée. Depuis lors, il est omniprésent à la télévision. Sa présence comme éditorialiste dans une l’émission Face à l’info sur CNews, la chaîne réac’ du milliardaire et catholique traditionaliste Vincent Bolloré, assurant à la chaîne ses meilleures audiences. Son credo  : dénoncer la «  bien-pensance  » sur l’air du «  on peut plus rien dire  » répété ad nauseam depuis plus d’une décennie dans tous les médias.

La vision du monde de Zemmour condense les obsessions de l’extrême droite contemporaine. Son postulat  : la civilisation occidentale est décadente, ses trois maux principaux sont l’islam, le féminisme et le «  lobby LGBT  ». La faute à qui  ? Aux «  gauchistes  », «  bobos gauchistes  » et autres «  islamo-gauchistes  ». Rien de neuf de ce point de vue-là, la pensée de Zemmour est une «  bien-pensance  » d’extrême droite. Ce n’est d’ailleurs pas l’originalité qu’il recherche, bien au contraire. Ses propos seraient ceux du Français lambda. Zemmour s’en est même fait une spécialité, l’argument du «  tout le monde le sait  » lui sert de départ et de conclusion. Une pensée tautologique qui ne passerait pas la moyenne au baccalauréat, composée d’une pseudo érudition, de chiffres invérifiables et de corrélations scientifiquement ineptes. Les solutions de Zemmour sont simples  : renvoyer «  chez eux  » les immigrés, sortir de l’État de droit, en finir avec les droits de l’homme pour rétablir «  la France.   »

Explosion médiatique

La pensée de Zemmour est raciste. Il affirme d’ailleurs croire au concept de race et se définit comme appartenant à la «  race blanche  ». Les immigrés sont au mieux des profiteurs et le plus souvent aussi des voleurs. Les musulmans sont tous des islamistes, leur projet est de «  coloniser l’ancien colonisateur  », il les somme de choisir entre l’islam et la France (ou la République c’est selon). Selon Zemmour, seule la «  remigration  » permettra de sauver la France du «  chaos et de la guerre civile  », rien que ça. L’immigration est, selon lui, le «  facteur aggravant de tous nos problèmes  », et l’islam le facteur aggravant des problèmes engendrés par l’immigration.

La pensée de Zemmour est sexiste. Les féministes sont accusées de mener «  une guerre d’extermination de l’homme blanc hétérosexuel  ». La thématique de la castration de l’homme blanc est omniprésente dans sa prose. Négation du viol et apologie des violences sexuelles se font au nom de la nature masculine, naturellement virile donc violente, et de la culture «  royale et patriarcale française  ». Dans cette guerre contre le mâle blanc hétérosexuel, les féministes seraient alliées aux «  jeunes Noirs et Arabes  » – seuls «  autorisés par les ligues de vertu féministes à s’approprier et conserver les codes honnis de la psyché virile d’antan  »  – contre l’homme blanc.

La pensée de Zemmour est homophobe. Le modèle queer se serait imposé partout. Il dicterait au pauvre mâle blanc «  comment se comporter avec une femme, avec délicatesse et raffinement  ». Une inversion des valeurs qui lui fait horreur. Cette «  déviririlisation  » lui est insupportable.

Relais dans la bourgeoisie

Zemmour se plaît à se dépeindre en héraut autoproclamé du « parler vrai » et de la défense de la France éternelle. Sa France n’étant qu’un condensé de clichés bourgeois : l’architecture, les auteurs, la gastronomie… Une France éternelle dont il se plaît à vanter la beauté et à regretter la décadence auprès de parlementaires, de hauts fonctionnaires ou de patrons dans des restaurants chics ou des salons privés où tous partagent le même constat : la nécessité d’en finir avec l’immigration musulmane. Tout le monde est (serait) d’accord avec lui, mais lui seul a le courage de l’affirmer haut et fort. Zemmour est le représentant de cette « élite » qu’il conspue à tout-va, du « système » qu’il dit combattre.

Si son discours est banal du point de vue de l’extrême droite, l’adhésion aux thèses de Zemmour est un signal qu’il ne faut pas négliger. La question de sa candidature est finalement secondaire. Un fait s’impose  : une partie de la bourgeoisie et de ses relais politiques, médiatiques et financiers s’est aujourd’hui ralliée aux thèses de la guerre des civilisations, du grand remplacement et de la guerre civile à venir que prophétise Zemmour.

Quand, face à une crise présumée, fantasmée ou réelle, une partie de plus en plus importante des élites soutient de manière ouverte et décomplexée des discours fascistes, une riposte antifasciste d’ampleur s’impose. Il est indispensable d’accélérer la dynamique de « front » des organisations du mouvement social selon la dynamique que Zemmour arrivera ou non à imprimer à l’extrême droite.

David (UCL GPS) et Hugues (UCL Saint-Denis)

 
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