Écologie, Politique

Chlordécone : l’État protège les empoisonneurs




En Martinique, les militantes se mobilisent sans relâche pour obtenir réparation face aux conséquences sanitaires et environnementales dévastatrices du chlordécone. Ils et elles font face à la répression.

Le 27 février des milliers de manifestantes martiniquais protestaient à Fort-de-France pour réclamer justice et réparation vis-à-vis de l’empoisonnement de leurs terres et de leurs corps au chlordécone. Cet insecticide, classé cancérigène probable dès 1977, n’a été interdit en France qu’en 1990. Des centaines de tonnes en ont pourtant été répandues dans les bananeraies antillaises jusqu’en 1993. Trois années supplémentaires ont en effet été accordées via dérogation ministérielle aux propriétaires terriens, les békés, descendants blancs des grands propriétaires d’esclaves.

Cet empoisonnement délibéré et prolongé illustre la situation néo-coloniale des Antilles  [1]. Persistant toujours aujourd’hui dans les sols et les eaux, le chlordécone continue d’empoisonner la population et ne disparaîtra que dans plusieurs siècles.

En 2019, une étude de Santé publique France établit enfin les conséquences de ce scandale sanitaire et environnemental  : plus de 92 % de la population adulte de Guadeloupe et de Martinique est contaminée par ce perturbateur endocrinien. Le taux de cancer de la prostate y est le plus élevé au monde. La même année, une commission d’enquête parlementaire conclut que l’État français «  est le premier responsable » et « a fait subir des risques inconsidérés, au vu des connaissances scientifiques de l’époque, aux populations et territoires de Guadeloupe et de Martinique  ». Malgré cela les nombreuses plaintes déposées depuis des années n’ont donné suite à aucune réparation, les responsables n’ayant même pas été inquiétés.

Dernier affront en date, le 20 janvier 2021, sept associations martiniquaises et guadeloupéennes ont appris que leur plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui  », déposée en 2006, risque le non-lieu pour cause de prescription. L’instruction de l’affaire traîne dans les tribunaux depuis quinze ans, aucune mise en examen n’a été lancée, et à présent des preuves auraient «  disparu  » du dossier.

Supermarchés bloqués

Les syndicats ont alors appelé à la mobilisation générale le 27 février puis le 27 mars. Mais la colère et l’indignation prennent aussi racine dans la répression violente et l’acharnement judiciaire que subissent les militants anticolonialistes et antichlordécone. Excédées, ils et elles avaient lancé en 2019 une phase d’action de désobéissance civile, bloquant les supermarchés appartenant aux familles de békés. Suite à des affrontements avec la police, trois d’entre-eux ont été condamnés le 28 août 2020 à 4 500 euros d’amende et sept à douze mois de prison. Venu les soutenir le 16 juillet, Keziah Nussier, 22 ans, militant antichlordécone, est passé à tabac, insulté et menacé par les forces de l’ordre. Pourtant c’est lui qui est à présent accusé  ! Son procès, plusieurs fois repoussé, est finalement dépaysé à Paris, à une date inconnue, dans l’espoir sans doute d’empêcher toute manifestation de soutien et la possibilité d’en faire une tribune politique.

Face à cette justice coloniale à deux vitesses, apportons notre soutien à Keziah et visibilisons le combat des militants antichlordécone pour la justice sociale et écologique  [2].

Mélissa (Commission écologie)

[2Entre autres collectifs à soutenir  : Justice for Keziah, Collectif des ouvrieres agricoles et de leurs ayant-droits empoisonnées par les pesticides.

 
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