Métallurgie : Florange passe, Mittal rapace

Tout est parti d’une grève-bouchon au laminoir à chaud du site mosellan, jusqu’à prendre des proportions nationales. C’est une conséquence du Covid-19 : les salarié·es ne peuvent se serrer davantage la ceinture.
En octobre, un mouvement de grève parti de Florange (Moselle) a gagné huit autres sites français du groupe Arcelor-Mittal (Reims, Gray, Pontcharra, Woippy, Ottmarsheim, Saint-Nazaire, Bruyères-sur-Oise, Denain), avec des débrayages et même des blocages. Démarrée le 6, la grève a été suspendue trois semaines plus tard, en attendant les négociations annuelles obligatoires (NAO). « On a bossé pendant toute la période du premier confinement, explique Lionel Kozinski, délégué syndical CGT à Florange, on n’a pas arrêté. Plus de 50 salarié·es ont été touchés par le Covid et on a quand même continué. » Et pour ceux des salarié·es qui étaient en chômage partiel, la direction n’a pas voulu compléter l’argent versé par l’État pour garantir 100 % de leur revenu. Si bien qu’en septembre, le syndicat a calculé que le manque à gagner pour les salarié·es serait de 4 000 euros en moyenne.
Aujourd’hui, il demande une prime Covid de 2 000 euros, et la prise en charge jusqu’à 100 % du chômage partiel. La direction répond par le silence : « Depuis les ordonnances Macron et la mise en place du comité social et économique, explique Kozinski, le “dialogue social” est rompu, les syndicats ne sont plus pris au sérieux et les atteintes aux conditions de travail s’accumulent, d’où le ras-le-bol. » Le groupe ArcelorMittal a pourtant une trésorerie bien garnie. Il capte des fonds considérables, notamment par le biais d’aides publiques, et va bénéficier du plan de relance de l’État.
Le mouvement est parti de la base des salarié·es de l’usine sidérurgique de Florange, et la CGT aidé à sa construction et à son extension, notamment par la constitution d’une caisse de grève.
Blocage de la sortie du laminoir à froid
Tout a commencé par un débrayage du laminoir à chaud qui, se trouvant à la première étape de la chaîne de production, a immobilisé par la force des choses le laminoir à froid, en aval – c’est ce qu’on appelle une « grève-bouchon ». Les ouvrières et ouvriers, en faisant chacun·e quelques heures de grève chaque jour, ont réussi à tout stopper, démontrant ainsi qu’un nombre même restreint de grévistes déterminés, sur un secteur stratégique, peuvent empêcher la production de toute une usine.
Le vendredi 16 octobre, la CGT et les grévistes ont par ailleurs bloqué la sortie du laminoir à froid, empêchant les camions de charger les produits finis. La presse était présente, le mouvement bien suivi et la caisse de grève abondée par des camarades de la CGT Moselle. Le jour du blocage, un groupe d’ouvrières et ouvriers antigrévistes, proches de la direction, se sont rassemblé·es devant la Maison des syndicats. Peu nombreux, ils ont rapidement levé le camp en voyant que les grévistes prenaient le chemin de l’usine à froid.
Le lendemain, au bout de treize jours de grève, les syndicats CFDT et CGC, d’habitude bien timorés et soumis à la direction, ont rejoint la CGT sur ses revendications. C’est qu’il leur était difficile de nier que le mouvement était soutenu par l’ensemble des salarié·es. Ils l’auraient payé cher aux prochaines élections…
En décembre, au terme des NAO, la direction du groupe a finalement consenti à une augmentation générale des salaires de 0,6 %, et à une prime exceptionnelle de 500 euros. On est loin des 2 000 euros revendiqués mais, après consultation des salarié·es du groupe, la CGT a accepté de signer l’accord.
Jean-Baptiste (UCL Thionville)