Politique

Débat : L’école publique, lieu majeur de la socialisation enfantine




Dans Alternative libertaire de décembre 2020, un article invitait à ne pas diaboliser l’instruction en famille (IEF). Certes, mais il aurait fallu rappeler la priorité est de se battre pour transformer l’école publique.

Plus de 12,4 millions d’élèves sont scolarisés en France, tandis que seuls 50 000 sont instruits en famille. La moitié a une solide raison pour n’être pas scolarisé : handicap, pathologie lourde, familles itinérantes. La plupart suit les cours du Centre national d’enseignement à distance (le Cned). Il reste donc environ 25 000 enfants pour lesquels l’instruction en famille (IEF) ne relève pas d’une nécessité. S’il ne s’agit pas de diaboliser cette forme d’instruction, il est en revanche utile aux communistes libertaires d’en avoir une approche critique.

Le recours à l’IEF ou l’inscription dans une école privée hors-contrat est un combat historique de la bourgeoisie française. En 1984, c’est une mobilisation de rue massive de la bourgeoisie qui aboutit au retrait du projet de loi visant à nationaliser l’école privée. Depuis, les entreprises éducatives ou l’Église catholique promeuvent l’idée d’une « école libre ». Les courants religieux intégristes ou sectaires s’y rattachent. Ce contexte libéral en matière de scolarité infuse dans la société. L’IEF apparaît aujourd’hui à nombre de parents ouverts et progressistes comme un facteur d’épanouissement important, en particulier après qu’ils ont pu constater l’état de délabrement du bâti scolaire public. Il s’agit aussi, dans un contexte de forte compétition scolaire, de maximiser le potentiel de ses enfants.

Pourtant, cette forme d’enseignement ne va pas sans poser de nombreuses questions. Ainsi, pour enseigner à la maison, il faut d’abord en avoir le temps : l’IEF concerne donc principalement des familles dont au moins un parent demeure au foyer pour s’occuper des enfants. Dans une société patriarcale, c’est bien souvent la mère qui sera amenée à abandonner la sphère sociale du travail au profit de l’éducation des enfants. Il faut ensuite en avoir les compétences. Ce sont donc les parents à fort capital culturel qui peuvent investir dans cette forme d’instruction, et qui par ailleurs sont le plus souvent à même d’assumer la contrainte financière importante.

Au-delà des questions matérielles, il faut se garder de réduire l’institution scolaire au seul lieu de reproduction des inégalités sociales — à cet égard, l’IEF est bien pire. L’école est également le lieu majeur de la socialisation enfantine : c’est à l’école que l’on fait l’expérience de l’altérité, y compris dans ses formes sociales, et de la confrontation au monde. Les enfants des classes populaires scolarisés vont à l’école. C’est d’ailleurs pour cela que tous les pédagogues progressistes n’ont eu de cesse, dès lors que c’était possible, d’intégrer l’école publique pour y développer leurs expérimentations pédagogiques : une pédagogie destinée aux classes populaires ne trouve à s’épanouir qu’à leur contact.

L’école publique, laïque, gratuite et émancipatrice constitue d’ailleurs un horizon du progrès social. C’est le projet d’école de toutes les organisations syndicales de lutte comme la CGT et SUD, comme de l’organisation syndicale majoritaire (la FSU) qui se revendique aussi de la transformation sociale.

Brendan (UCL Amiens) et Basile (UCL 93 Centre)

 
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