Crise économique : Les racines du mal




La crise est-elle seulement due à la libéralisation à outrance des
marchés financiers ? Non. Cela n’explique que la propagation
de la crise, mais pas sa naissance, qui elle est due au fonctionnement même du capitalisme.

La crise vient d’une contradiction fondamentale du capitalisme : pour maximiser le profit, les
capitalistes doivent payer le
moins possible ceux et celles qui
travaillent tout en vendant le
maximum de produits.
Problème : ce sont les mêmes
personnes qui travaillent et qui
consomment, et si les salaires
sont trop faibles pour soutenir
une consommation suffisante,
une partie de la production n’est
pas écoulée, et les profits s’effondrent. Ce qui est à la racine de la
crise, c’est donc l’exploitation
capitaliste elle-même.

LE CRÉDIT : UNE CAUTÈRE SUR UNE JAMBE DE BOIS

A cette contradiction, les capitalistes ont trouvé un remède provisoire : le crédit, donc l’endettement, qui permet de soutenir la
consommation sans rogner
immédiatement sur les profits.
Cela prend la forme de crédits
hypothécaires, mais aussi celle du
crédit à la consommation, des
prêts étudiant, etc. Le crédit a
explosé au début des années 2000
aux Etats-Unis, afin de relancer la
consommation pour sortir du
crash de la bulle internet. Elle
constitue le fondement de la crise
actuelle : la bulle immobilière à
son origine était due à l’achat à
crédit de leurs logements par de
nombreux ménages américains
pauvres, dont l’insolvabilité a
précipité l’économie mondiale dans la crise [1].

Notons que les différents
acteurs politiques à la botte des
capitalistes ont admirablement
joué leur rôle dans ce mécanisme
de soutien du taux de profit par le
crédit : offensive idéologique de
l’administration Bush en faveur
de la propriété privée ; maintien
de taux d’intérêt très bas par la
Fed (banque centrale américaine),
ce qui a facilité le crédit en le ren-
dant moins cher mais a favorisé
l’éclosion de bulles spéculatives.

Cette situation s’inscrit, à plus
long terme, dans le processus
amorcé au début des années 80
de baisse de la part salariale
dans le partage de la valeur ajoutée [2].

RIDEAU DE FUMÉE

De profits relativement faibles
– de 18% de la valeur ajoutée en
1982, on est passé à 33% en
1989 ! L’argument capitaliste en
faveur d’une telle augmentation
est qu’elle permet d’investir
davantage, donc de garantir une
meilleure marche des entreprises
dans le futur. Or, c’est précisément ce qui ne s’est pas passé
dans les années 1980 : l’investissement a baissé conjointement
aux salaires. En résumé, le seul
résultat de l’augmentation de la
part du profit, c’est que les
actionnaires s’en sont mis plein
les poches.

Depuis la fin des années 1980,
la situation n’a guère changé… et
les crises se sont multipliées.
C’est ainsi que l’avidité du pouvoir actionnarial a fini par se
retourner contre lui, puisqu’à
chaque crise, c’est une part du
capital accumulé qui part en
fumée. Néanmoins, ce sont les
travailleurs et les travailleuses
qui paient toujours l’essentiel des
pots cassés. Pour les salarié-e-s,
c’est la double peine : ils et elles
paient pour l’avidité des capitalistes pendant les crises comme
en dehors. Mais, en période d’expansion, l’abondance artificielle
du crédit permet de faire oublier
l’exploitation et la pauvreté
qu’elle engendre…

Les actions que les dirigeants
font semblant de développer
aujourd’hui contre la libéralisation échevelée des marchés
financiers est donc avant tout un
rideau de fumée destiné à masquer les véritables causes de la
crise, et à éviter les véritables
questions : celles de la répartition des richesses, de l’exploitation et des effets destructeurs du
pouvoir actionnarial.

Vincent Nakash (AL Paris-Sud)

[1En effet, cette explosion du crédit s’est faite notamment en
direction des plus pauvres, qui par définition ne peuvent
entretenir la machine par leur consommation que
marginalement. Notons qu’aux Etats-Unis, une loi, le
Community Reinvestment Act, encourage les institutions
financières « à répondre aux besoins de crédit des quartiers à
revenu faible ou modéré ».

[2A ce sujet, lire l’article de Frédéric Lordon « Le paradoxe de la
part salariale », disponible sur le blog La Pompe à Phynance.

 
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