Entretien

Yazid Debbich (Génération Palestine) : « Nous voulons rétablir la vérité sur le conflit palestinien »




Les mobilisations contre l’agression israélienne à Gaza en janvier
ont mis en avant une nouvelle
association de solidarité, Génération Palestine qui, comme la
grande majorité de ses homologues, agit sur des bases clairement anticolonialistes et antiracistes. Son délégué général,
Yazid Debbich, a répondu à nos
questions.

Peux-tu revenir sur la genèse
de Génération Palestine ?

C’est au retour d’un séjour en
Palestine, coorganisé en 2006 par
l’Union générale des étudiants de
Palestine (GUPS) et la Campagne civile internationale pour la
protection du peuple palestinien
(CCIPPP), que les jeunes participants au séjour ont décidé d’impulser Génération Palestine (GP).
Nous voulons rétablir la vérité
sur le conflit palestinien, que les
médias présentent souvent comme un conflit religieux et communautaire. Notre association
est marquée par la mixité et la
diversité, et nous nous opposons
fermement à toute tentative de
communautarisation et de racisme.

GP est-elle liée à une tendance
palestinienne surle terrain ?

GPsoutient la lutte du peuple
palestinien. Ce n’est pas à nous
de choisir une tendance politique
par rapport à une autre. Les
Palestiniennes et les Palestiniens
sont aptes à choisir eux-mêmes
les stratégies qu’ils jugent les
plus opportunes. Notre rôle est de
d’établir un rapport de force à
l’étranger qui leur permette de
faire valoir leurs revendications.
Durant les camps d’été nous rencontrons et débattons avec l’ensemble des composantes de la
société palestinienne : aussi bien
le Fatah (nationaliste) que le
Hamas (islamiste), le Front populaire de libération de la Palestine
(FPLP, marxiste) et le Parti du
peuple palestinien (PPP, communiste).

Quelle est l’actualité militante
de GPdepuis la guerre de janvier ?

Nous portons les projets « Nos
Voix pour la Palestine » et « Tous
témoins, tous acteurs » : 120 jeunes issus de quatre pays européens sont en Palestine cet été. En
termes d’action, c’est la campagne de boycott « Désinvestissement et Sanctions » qui avance le
plus rapidement. Le blocus sur
Gaza et la colonisation en Cisjordanie se poursuivent. À Jérusalem, des centaines de maisons
sont menacées de destruction et
l’arrivée au pouvoir d’une coalition allant des socialistes à l’extrême droite n’augure rien de bon.

Que penses-tu des tentatives
de récupération du mouvement propalestinien par l’extrême droite antisémite (Kemi
Seba et Alain Soral) ?

Ces groupes issus des mouvances
nationalistes et ethno-différencialistes et de courants religieux
(intégristes catholiques ou chiites) sont aujourd’hui groupusculaires mais peuvent accroître
leurs rangs en surfant sur le traumatisme post-Gaza. La liste antisioniste qu’ils ont menée en juin
n’avait aucun fond politique ; ce
n’était qu’une agglomération
d’individus mus par des motifs
différents mais tous aussi destructeurs. Mais il ne s’agit pas
simplement de condamner cette
liste. Nous devons répondre à la
demande d’engagement de nombreuses et de nombreux jeunes
qui en ont assez d’être de simples
témoins des massacres.

Que penses-tu de la jonction
entre la gauche internationaliste et les associations musulmanes durant la mobilisation ?

Les événements à Gaza ont marqué un tournant : sur Paris, la
jonction entre le mouvement de
solidarité progressiste et les associations musulmanes engagées
sur des bases anticolonialistes
claires ont permis une mobilisation sans précédent. Mais il existe encore chez certains acteurs à
gauche un discours méfiant qui
tire vers une forme d’islamophobie. Combattre les discriminations en Palestine implique de
promouvoir les valeurs du
« Vivre ensemble » chez nous
aussi. Si certains acteurs issus de
la gauche progressiste ne parviennent pas à déconstruire leurs
propres préjugés, beaucoup de
jeunes s’orienteront vers d’autres
cadres qui n’hésiteront pas à les
accueillir par pure démagogie :
l’extrême droite les attend bras
grand ouverts.

Propos recueillis par Nico (AL 77)

Yazid Debbich a
26 ans et milite
pour la cause
palestinienne
depuis 1998.
Issu d’une famille
tunisienne
immigrée très
politisée – son
père a milité
au Mouvement
des travailleurs
arabes (gauche
radicale) dans les
années 1970 – il
a séjourné en
Palestine pour
la première fois
en 2002
et a cofondé
Génération
Palestine
en 2006.

 
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