Entretien

Raymond Gauthérot : « Il n’y a pas eu d’intimidations »




La question du pouvoir d’achat
se trouvait au cœur de la grève
générale déclenchée en janvier.
Après plusieurs semaines de lutte, le LKP, cette coalition politico-syndicale emmenée par l’Union générale des travailleurs de
Guadeloup (UGTG) a obtenu
plusieurs avancées. L’accord
Jacques Bino (du nom d’un syndicaliste tué pendant la grève)
prévoyait une hausse des salaires. Le patronat n’a accepté ces
premières mesures qu’à contre-
cœur et les médias se sont plutôt
montrés hostiles au LKP. Quatre
mois après la fin de la grève
générale, Raymond Gauthérot,
ancien secrétaire général de
l’UGTG, fait le point sur la situa-
tion.

Au cours de la grève, plusieurs médias français ont
affirmé que le LKPutilisait
des méthodes violentes (intimidation, lien avec les émeutes qui se sont déroulées, etc.)
Qu’en est-il réellement ?

Raymond Gauthérot : Comme
vous l’avez dit, ce sont les
médias français qui s’évertuaient à faire croire à l’opinion
que le LKP recourait à l’intimidation des salariés non-grévistes, pour imposer les fermetures
des sites.

La réalité est toute autre. La
grève générale du 20 janvier 2009 a été annoncée depuis le
17 décembre 2008. La « profitation » que subit une écrasante
majorité des travailleurs en
Guadeloupe, depuis des dizaines d’années, a suffi à déterminer des milliers de travailleurs à
s’engager dans la grève générale ; il n’a pas été nécessaire
d’intimider la minorité des non-
grévistes.

Le LKPa fait le choix de la
méthode de la marche comme
force de grève. Des marches
dans les villes de Guadeloupe,
cadencées par notre chant, en
scandant nos revendications. À
la fin de chaque manifestation,
les dirigeants du LKPproposent
la prochaine manifestation et la
ville choisie.

Par ailleurs, il n’y a jamais eu
d’« émeutes ». C’est la répression des gendarmes, venus de
France, qui a provoqué la réac-
tion du peuple. Sachez que
70% de nos jeunes de 20 à
40ans ont été frappés par le
chômage.

Comment envisagez-vous le
reste du mouvement syndical
anticolonialiste, en France et
dans le monde ?

Raymond Gauthérot : D’un
côté, il y a ceux qui gouvernent
nos pays (Guyane, Martinique,
Réunion, Kanaky, Guadeloupe)
avec des élus de tous bords politiques qui profitent du système
colonial en contrepartie de leur
complicité, et de l’autre côté les
travailleurs de ce pays qui réclament justice, droits, de meilleures conditions de vie, une autre
société. Notre point commun est
l’unité des travailleurs.

J’ajoute que dans l’histoire de
notre peuple, et plus récemment
dans la vie sociale des travailleurs en lutte, nous avons toujours subi la répression. Depuis
une dizaine d’années, l’UGTG
bénéficie de la solidarité internationale des syndicats et c’est dans
ce contexte international que
nous comptons répliquer à la
répression anti-syndicale.

Il faut préciserque la plate-
forme du LKPest empreinte
d’anticolonialisme, mais
qu’elle n’est pas indépendantiste pourautant. Dans ces
conditions, l’UGTGa-t-elle
mise en sommeil l’idée de l’indépendance, ou cette attitude
est-elle essentiellement
tactique ?

Raymond Gauthérot : Nous ne
répondrons que pour l’UGTG.
Depuis la création de l’UGTG,
le 2 décembre 1973, nous nous
positionnons pour l’indépendance nationale de la Guadeloupe. Il nous reste à préciser, voire
à réaffirmer, l’ensemble des
revendications de la plate-forme du LKP, qui a été élaborée
par quarante-huit organisations
syndicales, politiques, associatives et culturelles. Il faut poser
les réels problèmes politiques
que subissent les travailleurs, et
que les institutions, les organismes et les élus chargés de gérer
la cité sont incapables de régler.

Dans quelle mesure la grève
générale a-t-elle influencée
la vie quotidienne et l’état
d’esprit des travailleurs
guadeloupéens ?

Raymond Gauthérot : À la
date à laquelle nous répondons à
votre question, l’accord Jacques
Bino est signé dans des centaines d’entreprises et des secteurs
d’activités. Plus de dix mille
travailleurs en bénéficient.
Incontestablement, la plus grande victoire obtenue, à l’issue de
ces quarante-quatre jours de
grève générale, c’est la prise de
conscience des Guadeloupéens
que la Guadeloupe est notre
pays et que les travailleurs ne
devaient plus laisser les profiteurs décider du son devenir.
Merci enfin de faire connaître
aux lectrices et aux lecteurs
d’Alternative libertairela vérité
sur la légitime réaction populaire du « Pèp Gwadloup » !

Propos recueillis
par Boris (AL Paris-Sud)

Raymond
Gauthérot

est l’ancien
secrétaire
général de
l’Union générale
des travailleurs
de Guadeloupe.
L’UGTG fait partie
du collectif LKP,
à l’initiative de la
grève générale du
début de l’année.

 
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