Sri Lanka : Conspiration du silence




Les intérêts militaires en jeu dans ce conflit sont nombreux et
importants pour les grandes puissances. Le peuple tamoul, qui
ne fait pas le poids, est prié de crever en silence !

Alors que des personnels de
l’ONU présents au Sri Lanka
dénoncent l’aggravation de la
situation et s’indignent du placement de plus de 300000 personnes dans des camps, l’ONU
refuse de condamner le gouvernement sri lankais. Le conseil
de sécurité se contente de
demander, le 22 avril, que « les
rebelles tamouls se rendent et
libèrent les civils qu’ils retiennent en otage » !

Pourquoi se préoccuper du
problème intérieur d’un Etat
souverain ? Et cela d’autant plus
que bien d’autres pays importants au conseil de sécurité de
l’ONU sont eux même concernés par ce genre de « problèmes
intérieurs », que ce soit la Russie
en Tchétchénie ou la Chine au
Tibet ! Ajoutons à cela que si
Ban Ki Moon, secrétaire général
de l’ONU, a dépêché sur place
son propre chef de cabinet,
Vijay Nambiar, c’est parce que
le frère de celui-ci, Satish Nambiar ex-général indien, est
consultant actuellement de l’armée sri lankaise ! L’affaire se
traitera donc en famille.

L’Inde est particulièrement
impliquée dans ce conflit. En tant
que principale puissance de l’océan Indien, elle s’est généralement placée dans le rôle d’arbitre. Mais depuis les années 1990,
elle cherche surtout à améliorer
ses relations avec le Sri Lanka,
pour préserver son hégémonie
sur l’océan Indien. Dès la fin du XIXe siècle, l’amiral américain
Alfred Thayer Mahan avait compris l’importance de cette zone :
« celui qui contrôle l’océan
indien domine l’Asie. ».
La compétition est ouverte.

La Chine est entrée dans la danse en installant un port et une station d’interceptions électroniques
en Birmanie, un complexe portuaire au sud-ouest du Pakistan
et… en 2007, une base navale à
Hambantota au sud du Sri Lanka.

L’Inde se met aussi à draguer le
Sri Lanka : échange d’informations, avec Colombo sur les
réseaux de soutien aux Tigres de
Libération de l’Eelam tamoul
(LTTE), formation de pilotes et
opérateurs radars…

Dans ce contexte concurrentiel,
les Etats-Unis ne peuvent plus se
contenter de leurs bases de Diego
Garcia (à 2000km au sud de
l’Inde) et de Bangkok en Thaïlande : ils veulent accéder au port
de Trincomalee, au nord-est du
Sri Lanka. C’est à leur tour de
proposer des services sur mesure
au gouvernement sri lankais :
armements, entraînement de
contre-insurrection et renseignement, équipement radar maritime. Récompensés en 2007, les
Etats-Unis obtiennent un accord
militaire pour le ravitaillement
maritime et aérien dans les bases
sri lankaises.

DÉLIRE MILITARISTE

Le gouvernement sri lankais ne
sait plus où donner de la tête et
peut se vanter d’avoir acheté du
matériel militaire aussi bien à la
Chine qu’à Israël, au Pakistan, à
la Russie, à la France, au Royaume-Uni… jusqu’à la Lituanie.

Encouragé par cet afflux d’armement, le Sri Lanka a accentué
son orientation nationaliste et
militariste, doublant le nombre
de militaires dans les années
2000, et se lançant avec joie dans
la « grande guerre mondiale
contre le terrorisme », comme les
« grands ». Car le placement des
LTTE sur la liste des organisations terroristes offre de nouvelles possibilités pour Colombo,
qui entend maintenant éradiquer
les réseaux tamouls à travers le
monde.

Le premier pays européen à
stigmatiser les LTTE aura été la
Grande-Bretagne, relayant docilement la politique américaine
auprès de l’Union européenne,
où son statut d’ancienne puissance colonisatrice lui confère un
certain poids lorsque l’on parle
de l’Asie du Sud.

Côté français, le style Kouchner s’impose : on se vante
devant l’Assemblée nationale, le
10 juin, d’avoir installé un hôpital ! Cette compassion n’empêche pas le Quai d’Orsay de
considérer les organisations
tamoules comme des réseaux de
soutien au terrorisme, qui extorqueraient de l’argent aux réfugiés… Cette guerre se poursuivra donc chez nous, où les
Tamouls ont besoin de soutien.

Renaud (AL Alsace)

Avec la collaboration de John-Peter
Neelsen, professeur de sociologie
à l’université de Tübingen.

 
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