Heureux événement : Accoucher sous contrôle




Alors que la plupart des accouchements ne présentent aucun risque, ils
sont aujourd’hui médicalisés comme s’ils s’agissait de pathologies que
seuls les médecines pourraient prendre en charge.

Dans la plupart des maternités françaises, les femmes qui veulent faire un
enfant n’ont pas le choix de la façon dont
se déroule leur accouchement. Pour éviter toute surprise, le protocole médical est
assez conséquent : perfusions, monitoring [1], positions dite « gynécologique », péridurale, épisiotomie [2]
et parfois césarienne. En France, toutes ces pratiques
sont en augmentation constante, et comme elles sont plus fréquentes dans les
grandes structures que dans les petites et
que c’est cette forme de lieux de naissance qui est largement favorisée par le pouvoir qu’il soit médical ou institutionnel
(fermeture des maternités où n’ont pas
lieu « assez » de naissances, impossibilité d’ouvrir des maisons de naissance
comme il en existe dans d’autres
pays…), les chiffres ne risquent pas de
baisser de sitôt !

Depuis que les médecins se sont approprié les savoirs et la pratique liés à l’accouchement [3], tout est fait pour que les
femmes restent dans l’ignorance de ce
qui se passe dans leur corps. Combien de
gynécologues proposent à leurs patientes
d’observer leur col de l’utérus ? Combien d’obstétriciens expliquent les différentes positions d’accouchement possibles aux femmes enceintes qu’ils
suivent ?

La position d’accouchement communément utilisée (et la seule représentée
dans les médias, les films…) dans
laquelle les femmes sont allongées sur le
dos, les jambes écartées et relevées est la
position qui favorise le moins la bonne
descente du bébé, la mobilité du corps, le
contrôle des poussées, etc. Mais c’est la
position dans laquelle le médecin a la
meilleure vue et la meilleure prise sur
l’accouchement. Pour faciliter le contrôle du médecin, on annihile l’autonomie
des femmes et entrave de fait la participation d’autres personnes à l’accouchement (ami-e, père ou mère…).

CÉSARIENNE BANALISÉE

De même, les injections d’ocytocine [4],
la pratique de l’épisiotomie quasi systématique (alors que l’OMS qualifie cet
acte de « dérive culturelle » lorsque son
taux dépasse les 20%, il est pratiqué en
France dans environ 50% des accouchements [5]
et ce taux varie selon la « philosophie » de la maternité…), la banalisation de la césarienne (allant jusqu’à 40%
des naissances dans certaines cliniques)
n’ont jamais démontré leur efficacité,
notamment sur la mortalité des mères ou
des enfants. On se trouve même dans
une sorte de cercle vicieux médical qui
s’auto-alimente : la plupart des actes
médicaux sont entraînés par le protocole
lui-même, la position gynécologique
demande par exemple plus de péridurales
car elle ne permet pas de soulager sa
douleur et ralentit le travail et elle entraîne plus d’épisiotomies car elle n’est pas
idéale pour éviter les déchirures…

En réalité, il semble bien que moins on
intervient dans un accouchement et
moins il y a de complications ! De plus,
la médicalisation de l’accouchement est
l’un des points de conjonction d’intérêts
du patriarcat et du capitalisme : connaissance, contrôle et décision masculins au
service de l’efficacité et de la rentabilité
économique. Combien d’actes médicaux
réalisés dans le seul but d’être facturés à
la sécurité sociale ? Combien pour accélérer le travail et laisser la place à la prochaine cliente ?
Face à cette dépossession de leur corps,
il s’agit de pousser à la réappropriation
par toutes les femmes de leur accouchement, tout en continuant de pouvoir jouir
d’un véritable soutien médical dans les
cas où il est réellement nécessaire !

Emilie B (AL Saint-Denis)

[1Le monitoring consiste à enregistrer simultanément le
rythme cardiaque du fœtus et les contractions de
l’utérus au moyen de capteurs placés sur son ventre et
qui la relie à une machine bruyante et inquiétante et
entrave ses mouvements.

[2L’épisiotomie est un acte médical qui consiste à
inciser le périnée prétendument pour éviter les
déchirures.

[3voir notamment Elsa Dorlin, La matrice de la race,
La découverte, Paris, 2006.

[4L’ocytocine est l’hormone sécrétée au cours de
l’accouchement et qui provoque les contractions. On
injecte de l’ocytocine de synthèse lorsque l’on veut
déclencher ou accélérer l’accouchement.

[5En 1998 : 71% pour les femmes dont c’est le premier
enfant, 36% pour les autres (chiffres du ministère de
la Santé). À titre de comparaison, certains pays sont
en dessous des 10% : 6% en Suède par exemple.

 
☰ Accès rapide
Retour en haut