L’avenir du salariat : esclavage + précarité




Prenant prétexte de la crise qu’ils ont eux-mêmes générée, les
capitalistes mènent une offensive d’envergure pour précariser
les salarié-e-s. Plusieurs fronts anti-travailleurs sont ouverts
simultanément : le prêt de main-d’œuvre, le statut d’auto-entrepreneur, le travail gratuit et les retraites.

Sarkozy déblatère sur la
« refondation du capitalisme »
pour mieux camoufler une offensive d’envergure contre les droits
des travailleurs et des travailleuses. Sur plusieurs fronts, gouvernement et patronat avancent
ensemble pour les réduire encore
plus à l’état de variable d’ajustement des résultats financiers. Car
licencier à tour de bras et au
moindre coût ou délocaliser ne
leur suffit plus, même s’ils continuent, comme chez Michelin.

Prêt de main d’œuvre et auto-entreprenariat

Premier front de cette offensive
libérale : la relation entre les
salarié-e-s et l’entreprise. Le gouvernement et le patronat veulent
« simplifier » le « prêt de main-
d’œuvre ». Le prétexte officiel
est d’éviter le chômage technique
et les licenciements en équilibrant le besoin de main-d’œuvre
entre plusieurs entreprises. En
fait, il s’agit de généraliser la précarité et de faire de chaque salarié-e un intérimaire potentiel.
C’en sera fini des protections collectives construites au sein des
entreprises : convention collective, comité d’entreprise, représentation syndicale, etc.

Deuxième front : le statut
même de salarié et les droits
afférents. Le gouvernement a
lancé il y a quelques mois à
grand renfort de propagande et
de mensonges le statut d’auto-entrepreneur (lire AL du mois de
juin). Ce statut est un piège grossier et dangereux. Les entreprises
vont faire pression sur leurs salarié-e-s pour qu’ils et elles adoptent ce statut et deviennent des
sous-traitants « indépendants ».

De fait, l’indépendance n’existe
pas dans ce genre de situation.
Par contre, l’ensemble des cotisations sociales, les congés payés,
la protection sociale, comme
pour les arrêts maladie, seront
entièrement à la charge de ces
soi-disant « entrepreneurs ».

Ce genre de pression n’est pas
de la science-fiction. C’est déjà la
réalité dans les transports, où le
nombre de conducteurs de poids
lourds « indépendants » est délirant : ils sont en réalité sous la
coupe d’entreprises donneuses
d’ordre, mais sans la protection
du statut de salarié. L’auto-entreprenariat, c’est le grand retour en
force du salaire à la pièce ou à la
tâche. Bonjour, le progrès social !

Le pire, c’est que le gouvernement et le patronat arrivent à faire passer ces reculs sociaux
majeurs pour des progrès. Dans
le cas du prêt de maint-d’œuvre,
il use du chantage au chômage.
Dans le cas de l’auto-entreprenariat, il met en scène la « liberté »
de s’auto-exploiter ! Et dans un
contexte de recul des luttes et
d’angoisse sociale, ça porte
auprès de certaines et certains
travailleurs, tout contents de
« créer leur emploi » et de travailler « librement ».

Rétablissemet de l’esclavage

Troisième front : le fait de
rémunérer le travail ! On vient
en effet de voir British Airways
demander à ses salarié-e-s d’accepter de travailler sans être
rémunérés [1]

On connaissait déjà
les propositions de délocaliser les
travailleurs et les travailleuses en
Inde ou en Roumanie en les
payant aux salaires locaux, c’est-
à-dire une misère. Mais cette
aumône est encore de trop pour
les actionnaires. On connaissait
aussi la fausse localisation de
salarié-e-s, méthode très prisée
des compagnies aériennes low
cost [2]
 : elle consiste à établir des
contrats de travail dans des pays
à faible législation sociale (par
exemple en Irlande) pour des
salarié-e-s travaillant en fait
ailleurs (par exemple en France).

British Airways invente encore
mieux : le travail gratuit. Pour
mieux demander ensuite le rétablissement de l’esclavage au nom
de la « sauvegarde de l’emploi »
et de la « compétitivité de l’entreprise » ?

La retraite à 67 ans

Quatrième front : les retraites.
À force de reculer l’âge de départ
à la retraite et d’augmenter la
durée de cotisation, les retraites
sont de plus en plus virtuelles. Le
gouvernement est convaincu d’avoir définitivement gagné la
bataille idéologique sur la suppression des retraites. Il la présente comme « un allongement
nécessaire de la durée de cotisation compte tenu de l’allonge-
ment de l’espérance de vie ». [3]

C’est un mensonge :
 L’âge moyen de départ en retraite effectif en France est de 60,9 ans en 2007
 [4]
 Les patrons licencient en
priorité les plus de 50 ans, et se
refusent à les embaucher.

Demander de travailler jusqu’à
67 ans comme le propose Hortefeux n’a aucun sens : ces
emplois n’existent tout simplement pas.

Allonger la durée de cotisation,
c’est mettre au chômage, précariser, obliger les « seniors » à
accepter n’importe quel poste à
n’importe quelle condition. Le
but de ces attaques, comme de
toutes les précédentes, n’est absolument pas de « sauver le système de retraite par répartition »,
mais bien de le détruire purement
et simplement, en faisant en sorte
que plus personne ne puisse toucher une retraite à taux plein,
compte tenu des obstacles mis en
place pour y parvenir.

C’est Hortefeux, en bon porte-
flingue de Sarkozy, qui a relancé
l’idée de nous faire travailler jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il
était l’éclaireur de son chef, qui a
confirmé lors de son « discours
du trône » du 22 juin que les
retraites seront de nouveau laminées (« réformées » en novlangue libérale) en 2010. Le cadre a
été clairement posé : recul de
l’âge de départ pour pouvoir toucher une retraite pleine et allongement de la durée de cotisation.

Bref, les mêmes recettes économiquement inefficaces et socialement dévastatrices que par le
passé. On pourrait aussi ajouter à
ces attaques le travail le dimanche, qui sera généralisé en catimini le 6 juillet.

Comment contre-attaquer ?

Toutes ces attaques simultanées s’inscrivent dans un schéma d’ensemble. La riposte du
monde du travail, pour éviter
qu’on lui fasse payer la crise du
capitalisme financier n’est jusqu’à présent pas à la hauteur
des enjeux.

Le saupoudrage de journées
de « mobilisation » a montré
son inefficacité, à tel point que
les travailleurs et travailleuses
n’ont pas pris la peine de descendre dans la rue le 13 juin.

Pourtant, il faudra bien riposter.
Il est illusoire de croire que faire
éclater l’unité syndicale ferait
progresser la mobilisation. Elle
est au contraire un point d’appui,
mais elle ne peut pas être suffisante. Il faut trouver une convergence. Bref, un front social de
l’égalité et de la solidarité des travailleurs et des travailleuses reste
à construire.

Laurent Scapin (AL 93)

[1« Et British Airways créa le travail gratuit », Libération,
17/6/2009.

[2Voir par exemple sur le site de SUD-Aérien « Réactions contre
l’antisyndicalisme de Ryanair », 3 septembre 2004.

[3Voir l’argumentaire d’Alternative libertaire n°1 « Notre avenir
n’est pas à vendre », consultable sur Alternativelibertaire.org.

[4Pour les droits directs. Pour l’ensemble des droits (directs et
indirects), l’âge moyen de départ en retraite est 61,1 ans.
Source : Caisse nationale d’assurance-vieillesse.

 
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